Daho Show – Zénith – 15 mai 2024.

En 1984, à la sortie de La notte, la notte, Jean-Éric Perrin écrivait de Daho qu’il était « le genre de chanteur qui accompagne une vie ». Quarante ans plus tard, il me suffit de jeter un œil autour de moi, dans ce Zénith chauffé à blanc, pour constater qu’il avait déjà tout compris.
Ce soir, au fur et à mesure que l’artiste déroule avec sa générosité et sa bienveillance habituelles une setlist comme on ouvrirait l’album photo de sa vie, je réalise que tous ces « vieux » fans chantant, dansant, pleurant, embrassant, rêvant, ne sont pas mes parents mais bien mes reflets, mes sosies, mes projections, mes ombres, mes rides, mes âmes sœurs, mes « gemini ». Que je n’ai plus 19 ans, comme lors de cet Olympia de feu en 86, mais quelques dizaines de plus. Qu’il y a eu de nombreux premiers jours (du reste de ma vie). Et qu’à défaut de la lune j’ai approché quelques étoiles.
Mais, si en quarante ans nous avons déjà vécu tant de changements, tant de révolutions, si aujourd’hui David Munday remettrait plus probablement un fichier qu’une K7 à Étienne, si Philippe, Dani, Jeanne, Frank, Denis et tant d’autres se sont échappés, certains repères semblent immuables. Tels des phares éclairant nos routes sinueuses, nos chemins de traverses, nos embardées, nos week-ends à Côme et tous ces murs sur lesquels on se fracasse inlassablement, les concerts de Daho sont toujours là pour nous rappeler que tant que nous sommes en vie, tous les espoirs nous sont permis. Mille et une nuits. Mille bornes complices. Mille instantanés gorgés d’émotions. À chaque fois, une ivresse effaçant mille tristesses. Car les larmes qui coulent parfois sur nos joues dans la moiteur de ce printemps incertain, sont des larmes de bonheur.
Magie absolue.
L’invitation
Je ne devais pas être là ce soir, mais un généreux bienfaiteur en a décidé autrement. Une rencontre sur un mont parisien, la photo en noir et blanc d’un visage beckettien, des arbres gris et, à la cave, quelques mots sur une tournée paradisiaque. Une invitation comme un signe, un début de concert tonitruant qui « me donne l’aimable sensation d’être à la vie de nouveau convié ». La soirée démarre en trombes.
Le grand sommeil
Et il ne fait aucun doute que la foule réunie ce soir aimerait comme moi « que cette nuit dure toute la vie ». Tube si souvent écouté, chanson éternelle, belle quels que soient ses atours, quels que soient ses sens, elle est la mémoire de tant de visages et de cœurs irradiés. Déjà la salle frissonne.
Sortir ce soir
Alors ces visages et ces cœurs, rejoignent d’autres visages, d’autres cœurs s’ouvrent, des mains se serrent, des bras se lèvent, des yeux s’interpellent, des jambes s’agitent, Daho et le Zénith sont déjà chauds.
Le phare
Et ce n’est pas cette sublime ballade qui refroidira les ardeurs d’une foule encore une fois énamourée. Si les corps se détendent, se rapprochent, si les gestes se font plus doux et que les yeux brillent dans la nuit de La Villette, le public est prêt à bondir au moindre signe de leur phare chaloupant.
Boomerang
Même moi, dont les faits d’armes chorégraphiques sont pourtant rarissimes. Je commence à me trémousser dès que « je sens des boums et des bangs agiter mon cœur blessé ». Et comme toujours, la foule ondule, un grand sourire accroché aux lèvres, des étoiles plein les yeux. Finalement, la Dahomania a survécu à tout. Toujours ça revient.
Virus x
Il faut dire que c’est contagieux la passion, l’envie, la musique, les chansons d’amour (ou de désamour), les mains tendues, les cœurs offerts, les sourires complices. Alors on danse. Alors on danse. On danse. Et on se prend à rêver à nouveau… Même à l’amour flou.
Réévolution
Quelle joie d’entendre à nouveau cette chanson en concert. Se surprendre à fredonner des paroles resurgies du passé, se surprendre à lever le poing, se surprendre à croire à un « futur plus que parfait », et ce dès à présent. Ce soir, nous avons tous revêtu l’armure. L’envie d’en découdre avec cette chienne de vie.
Heures hindoues
Tard ou tôt ou tard, vous connaissez l’histoire. La public a depuis longtemps basculé « over the rainbow », et il n’est pas prêt d’en revenir…
Mon manège à moi
Car dès les premières notes, les chœurs du Zénith se font entendre, depuis le temps que tu nous fais tourner la tête. Notre manège à nous c’est toi. Et si y’avait pas de vie même, nous on tournerait quand même.
Saudade
Je crois bien que la dernière fois que je suis venu au Zénith j’y ai entendu cette chanson. Car tout comme toi Étienne, cela faisait des plombes que je n’y avais pas mis les pieds. Et c’est vrai que c’est bien. Alors bien sûr, on avait nos petites habitudes, L’Olympia, les charentaises, la routine quoi. Est-ce que c’est l’attrait du danger qui t’as mené, qui nous a menés ici ? Je ne sais pas, mais je sens bien que tout le monde est prêt à y sombrer avec joie. Corps et armes.
Des attractions désastre
Tu es comme ça Étienne, tu veux tout, « de la vie faire ripaille », goûter à nous, et comme d’habitude tu te donnes, totalement, et tout le monde dans la salle veut aller faire l’avion avec toi. Ce soir, elles semblent si loin nos funérailles. Alors chantons, dansons et surfons tout là-haut avant que tu t’en ailles.
Sur mon cou
Sur nos cous, des frissons, comme à chaque fois que ces mots de Genet retentissent dans une salle. La beauté de la poésie brute et pure. « Le talent c’est la politesse à l’égard de la matière, il consiste à donner un chant à ce qui était muet » disait-il aussi.
L’homme qui marche
J’avoue, moi aussi elle est dans mon top, peut-être pas 3, mais au moins 10. Le duo Piérot/Daho à l’œuvre : intensité et élégance, soie et métal, un film haletant, piazza navona, un rade triste. Pas question de capituler, bien trop tôt pour la défaite.
Duel au soleil
Et puis on nous attend sur la falaise. Rebelle, le public ne l’est pas le moins du monde, il s’époumone, les yeux plissés par le soleil brûlant, pris au jeu, il se rendra. Il déposera les armes (blanches) une fois de plus aux pieds de ce monument pop.
En surface
À peine le temps de reprendre son souffle, que la foule est déjà conviée à plonger sous la surface pour voir si elle y est. Alors, plumes ou enclume ? On n’a pas encore tiré dessus mais il semblerait que, contrairement à l’ambiance, quelques étoiles plombées soient pourtant déjà tombées.
Tombé pour la France
Mais pas pour la France. Dum di la. Impossible d’entendre cette chanson sans penser à cette soirée de 86, quand l’Olympia chantait ce morceau à tue-tête. Sables-d’Or, les dunes, l’ombre d’un marquis plane. Sad. Mais joyeux quand même. Mais un peu sad. Faire n’importe quoi mais le faire bien. Raconter n’importe quoi. Mais à toi. Rien qu’à toi. Dum di la. Envie de retourner pieds nus sous la lune.
Quatre hivers
Déjà. Mais ce soir, je sais quoi faire : profiter, chanter, pleurer, aimer, danser.
Bleu comme toi
Le monde, le Zénith, la terre, le grand, l’orange, un singe disparu, mais ce soir, là-haut sous le toit du Zénith notre humeur est up, vraiment Dahaut. Le bien que tu nous fais. Up. Up. Up up up hourra.
Soudain
La preuve, le rayon éblouissant c’est pour maintenant. Je les regarde, les élus, ce soir elles, ils le sont, toutes, tous, élus, je vois leurs cœurs légers flotter, léviter, on n’est jamais vraiment trop heureux à en crever. Soudain. Bascule.
Le premier jour (du reste de ma vie)
Avant que tout recommence encore une fois, le premier jour. Le premier morceau (du reste de la soirée). Bénie soit Sarah, mère de cette chanson belle comme une déesse. Et toujours ces mantras so daho : « suivre son instinct et ses envies ». Plus que jamais. Rester envie. Et partir sur un coup de tête. Sur un coup de cœur.
Week-end à Rome
À Rome ou Lisbonne, Londres ou Venise, peu importe la ville pourvu qu’on ait le week-end. Peu importe la fortune pourvu qu’on ait la bagnole. À chaque concert c’est la même histoire. L’impression qu’on est seuls, tous les deux sans personne. Toi + Moi. Dolce vita power.
Tirer la nuit sur les étoiles
Mais c’est avec Vanessa que tu pars en escapade pour aller dégommer quelques étoiles. Elle apparaît sur les écrans pour un duo endiablé et fou. Comme les autres chansons tirées du dernier album, ce single postule déjà au rang de classique et se fond dans une setlist aussi impressionnante que parfois surprenante.
Épaule tattoo
Électrisée la piste, bien sûr, par tous ces hymnes encrés dans nos chairs, incrustées dans nos âmes comme autant de signes de notre indéfectible complicité. La salle a depuis longtemps chaviré, les cœurs et les corps se sont abandonnés aux BPM et à l’orgie de couleurs.
Au commencement
Chaque fois la même impression, chaque sortie de concert de Daho, cette euphorie douce mais sûre d’elle qui vous gagne, ce shoot de sérotonine, cette envie de bouffer la vie, d’écrire, de créer, d’aimer, de vivre en somme. Et si tout n’était que recommencement ?
Boyfriend
Je comprends que tu ne veuilles pas être notre père, mais il faut que tu acceptes cher Étienne, que tu es quand même parfois un peu notre psy. C’est comme ça. Tu chantes les termes. Depuis le début.
Ouverture
Évidence. Rendez-vous incontournable. Communion. La fin est proche. Une fois encore tu t’avances vers nous « l’amour au creux des mains, la démarche paisible ». Une ouverture pour une fermeture, comme la promesse de lendemains qui continueront de chanter et de nous enchanter, un au revoir et pas un adieu, une histoire à suivre.
Forcément.
Magie absolue du début à la fin.
Je crois bien, cher Étienne, que nous n’avons toujours pas fini de nous parler d’amour.
© Matthieu Dufour
magnifique compte rendu qui reflète ce que j’aurais pu dire, et j’imagine beaucoup d’autres comme moi.
je l’ai vu à Lyon mardi et c’était la même émotion, la même communion et le même plaisir.
merci pour ce beau texte
Martine
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Merci 🙏
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