Chronique – Simon Dalmais – Before And After.
Dès les premières notes de « Tiny » le ton est donné : la pop superbement écrite et maitrisée de Simon Dalmais est placée sous le signe du bon goût, de l’élégance et de l’ambition. Attention, pas de ces ambitions égocentrées et mal placées qui privilégient la démonstration à l’émotion, la frime à la sincérité, mais plutôt l’ambition altruiste de prendre l’auditeur par la main et de l’embarquer ailleurs l’espace de ces 12 titres (majoritairement en anglais mais avec de très belles incursions dans sa langue natale), de l’inviter à quitter sa routine grise et répétitive pour rejoindre un endroit baigné d’une lumière douce et accueillante. Cocon mélodieux en plein cœur d’un monde où le bruit, la vitesse et les machines ont pris le pouvoir.
Avec « Before and After », on a parfois l’impression d’écouter un classique, un disque des années 70 que l’on aurait reçu de son grand frère ou de ses parents, précieux héritage marqué du sceau des artisans du raffinement pop : de Paul Mc Cartney ou des Beach Boys pour le versant plus traditionnel jusqu’à Robert Wyatt pour les chemins de traverse, en passant par Elliot Smith pour une traduction plus contemporaine de ce savoir-faire. Un disque intemporel qui traverse les époques et les modes, se fout des hypes préférant la solidité de compositions éclatantes de classe aux effets de manches bavards et prétentieux pour dessiner une nouvelle cartographie de ces contrées que l’on croyait connaitre.
Car là où ce disque devient encore plus intéressant c’est avec l’apparition de ces interstices, ces quelques fissures dans ces pièces d’orfèvrerie, qui font irruption à intervalle régulier dans la géographie millimétrée du compositeur, notamment à partir de « Kamakura », laissant filtrer quelques éclats disruptifs, quelques failles, quelques sinuosités et un goût pour une approche sonore plus expérimentale, plus atmosphérique, conférant à l’ensemble un charme singulier et attachant, apportant quelques aspérités, quelques angles à une musique parfaitement contrôlée. Comme cette sensation de vertige, d’étourdissement qui vous saisit devant la force de la beauté d’un paysage magistral. Comme une goutte homéopathique de chaos avalée chaque matin au pays de la perfection. Comme un détail qui intrigue dans une toile de maître et auquel on revient sans cesse. Comme si le bon élève décidait enfin de laisser parler son insolence et de montrer que derrière son sourire angélique, un côté plus obscur existait.
Véritable régal balançant entre mélancolie tranquille et douce ivresse, le nouvel album de Simon Dalmais est le disque idéal pour affronter les affres des jours qui raccourcissent et les premiers frimas d’une saison annoncée, un disque chaud, doux dont le charme se fait plus précis et plus singulier à chaque écoute. Fait pour durer.
© matthieu dufour
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