Soirées Walden – ITW Marianne Dissard.

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Pourquoi avoir accepté l’invitation de Nesles pour cette nouvelle série de Soirées Walden ?

Rendez-vous chez mon astrologue. Elle me prédit pour la fin mars, quelque part dans une grande ville européenne, l’une des plus belles rencontres de ma vie. Le lendemain, je reçois un message de Nesles. Il me propose de partager l’une de ses soirées le 29 Mars à Paris. Toute intriguée, je demande plus de détails à mon astrologue et elle me confirme, qu’en effet, je serai bien avisée de me trouver le 29 Mars entre 20 h 12 et 22 h 38 dans les parages de Père Lachaise. Je sais aussi qu’il aura les yeux verts, ce chat.

Ta pratique artistique dépasse largement le cadre de la musique, tu écris, tu réalises : c’est une démarche globale ? Comment orientes-tu tes envies, tes choix ? 

Je n’aime pas m’ennuyer. Aussi, il faut du temps pour mûrir une pratique. Faire autre chose pendant un certain temps peut y aider. Quand à mes envies, elles m’orientent plus que je ne les oriente.

Tu collabores régulièrement avec d’autres artistes : le hasard des rencontres ? C’est important pour toi, de te confronter à d’autres univers ? 

Plutôt qu’artiste, je me revendique comme casse-cou. Le hasard des rencontres n’est rien sans l’imagination – ou la sensibilité – d’y deviner un résultat heureux. Je suis plutôt casanière de tempérament donc je me force toujours à chercher le déséquilibre. Ecrire un album avec un compositeur dont je ne partage pas la langue (L’Abandon, mon deuxième), aller chercher des collaborateurs loin du confort de Tucson (la collaboration avec BK-One et Budo, issus tous deux du hip-hop indé à la Rhymesayers)… Il y a d’autres exemples. Ainsi, je prépare une reprise de Harry Nilsson avec un groupe traditionnel de tarantella du Sud de l’Italie. J’aime bien inventer mes propres règles du jeu et mes contraintes (ainsi, la confrontation avec l’univers d’Andy Warhol, quand j’ai décidé de tourner le remake de son western Lonesome Cowboys, un long métrage, mais en 24 heures chrono). Les collaborations avec les chorégraphes aussi, les poètes dont Richard Siken sont essentielles pour moi. J’y puise un dépaysement assez grisant.

Tu partages avec Florent Nesles une large culture musicale et des goûts éclectiques : tu écoutes beaucoup de musique ? Tu arrives à t’intéresser aux très nombreux nouveaux projets qui sortent ?

Ça dépends beaucoup des périodes. Je peux passer des semaines entières à ne rien écouter. D’autres où je n’écoute que BBC6Music ou alors les nouveautés rap sur Tidal. Je peux aussi passer des jours à chercher sur Youtube les vidéos de démonstrations de mixage ou de prises de son, ou bien télécharger toutes les master classes de Red Bull Academy. J’écoute sinon beaucoup de productions américaines très grand public comme les albums de Beyonce, ou moins connues comme celles d’Harry Fraud.

Beaucoup de projets de qualité sortent chaque jour, mais l’audience n’est souvent pas au rendez-vous : quel regard portes-tu sur la pratique de la musique aujourd’hui, son évolution ?

Ma plus belle rencontre musicale de l’année s’est déroulé dans le hall de la gare de Biarritz il y a quelques semaines. J’y prenais un café. Un teenager s’approche, me demande s’il peut brancher son téléphone dans la prise sous ma chaise. Nous nous mettons à parler musique. Il est très surpris que j’aime les mêmes rappeurs que lui. Je n’ai vraiment pas la tête qui va avec. On discute un bon moment. Il m’explique qu’il vient de fuguer. Il repart, son téléphone requinqué, mais quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons tous les deux dans le même bus. Là, il sort des liasses de papier de son sac, me demande s’il peut me faire écouter. Tout le long du trajet, j’ai la chance d’entendre un projet de qualité qui ne sortira peut-être jamais, par un kid qui pratique tous les jours sa musique sans se soucier encore de tout ce qui pourrait l’éteindre.

Des coups de cœur récents dont tu voudrais nous parler ?

Huit jours de coups de rage. Profondément américaine pour y avoir vécu trois décennies, je suis enragée par les décisions de l’administration Trump.  Mes coups de coeurs sont réservés en ce moment à tous celles et ceux qui sont descendus dans la rue, ceux qui ont pris le téléphone pour appeler leurs représentants, aux avocats de l’ACLU, à ceux qui ont voté Trump et déclarent publiquement leur désillusion.

Sinon, je suis récemment retombée amoureuse de la scène musicale de Tucson. C’est bête à dire mais les musiciens – et pas les plus connus en France, loin de là – qui, bon an, mal an, jouent cent ou deux cent, voire trois cent concerts par an à Tucson et ses alentours, ont pris encore plus de bouteille depuis mon départ il y a quatre ans déja. A eux, je tire ma casquette.

Quels sont les artistes, les disques, les films, les livres auxquels tu reviens toujours ?

Gary Winogrand. Pierre Guyotat. Jorie Graham. Pasolini. Les chorégraphes Meg Stuart et Ami Garmon. Richard Siken. Les films de la période Pre-Code hollywoodiens. Kendrick Lamar tout entier, en live et en enregistrements. Eartha Kitt. Les Beatles live sur le toit de leur immeuble. Le titre 4th Of July par Dave Alvin. Gonjasufi. Giant Sand bien sûr.

Quels sont tes projets à venir ?

Je finis mon premier livre (en anglais). Il sortira courant 2017. Le titre en est The Cat. Not Me: Junk Memoirs Of A Yogini. Ça raconte mon retour en Europe en 2013, l’année passée à Paris pour y enseigner le yoga chez Gérard Arnaud. Une tournée en Allemagne au printemps avec le groupe de filles de Tucson qui m’accompagne sur les tournées quand je ne les fais pas avec Yan Péchin. Un nouvel album, en anglais aussi, dont je n’ai que le titre et la rage. Et finalement, enfin, j’ai une domicile fixe en Europe depuis une semaine. Enfin, fixe… C’est un voilier deux-mâts en bois, de 1965, long de 13 m. Il est basé à Ramsgate en Angleterre. Non, je n’y connais rien à la voile. Je viens d’Arizona.

Merci Marianne !


Tout sur les prochaines Soirées Walden ici : Soirées Walden – Printemps 2017.


 

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