Exclu – Minencial remixe TOOOD.
Bienvenue chez TOOOD.
Ici pas de nom sur la façade de la maison, ni de volets de couleur ou de massifs de fleurs bariolés, pas de smiley sur la boite à lettres ou de « hello » sur le paillasson, pas de sourire putassier une fois la porte ouverte. TOOOD s’affiche dans la neutralité d’un noir et blanc dense et dans la sincérité d’une mise à nu onirique. En équilibre improbable. Que vous ne trouviez pas cela confortable ni très accueillant n’est pas leur problème. Depuis ses débuts TOOOD assume un univers et une musique oxymoriques, une dualité qui ne laisse pas indifférent. À mille lieues de poses prétendument contemporaines.
Alors que certains de leurs contemporains misent sur une séduction surjouée à l’instar de ces vins du Nouveau Monde qui vous explosent en bouche à la première gorgée, TOOOD (sans mépriser une véritable efficacité), demande à ses auditeurs un effort. À nous de faire une part du chemin, de mériter le plaisir qui est au rendez-vous au bout du dédale de boucles, de beats, de psalmodies magnétiques.
Confier cet univers singulier à d’autres mains, aussi expertes soient-elles, est un pari risqué (mais pas de nature à effrayer un groupe qui sait où il veut aller). Comment le nouveau venu va-t-il trouver le ton juste entre appropriation et respect ? Comment va-t-il traiter un système narratif qui colle autant à la complicité tout en opposition des deux membres du groupe ? Tout cela tient souvent de l’alchimie.
TOOOD invite Minencial.
Minencial, jeune artiste électro indé qui avait ouvert leur release party au Supersonic l’année dernière, apporte des éléments de réponse plus que convaincants avec ce remix de Stray Dogs, l’un des meilleurs titres de l’album Fury. Tel un légiste consciencieux devant un corps non identifié, il est bien décidé à percer le mystère. Minencial manie le scalpel avec dextérité et précision, il s’emploie à séparer les organes vitaux de la chanson sans en abimer aucun. Il tente de comprendre de quoi elle est faite, comment les boucles et autres sons des machines fusionnent, comment la voix d’Astrid K. vient s’enrouler tel un boa constrictor pacifique autour d’eux sans jamais les étouffer. Alors il incise, sépare, nettoie, essaye de ne garder que le muscle, se débarrasse d’un peu de graisse et de chair, laisse couler quelque matière encore vivante, étire avec délicatesse, puis plus brusquement. Puis il recompose un corps à géométrie variable, distordu. Parfois il transforme la voix en boucle et tente en l’isolant d’inverser le rapport entre organique et machines. Il teste la plasticité du morceau en tirant sur les contours pour laisser la voix prendre sa place et rebondir contre les parois tendues de cette forme flexible. Jeu de billard à plusieurs bandes avec les boucles. Enfin, il remet en place, le tout sans jamais déchirer un seul tissu. Un travail d’orfèvre.
Si le titre original était d’une efficacité redoutable, le remix lui confère une mélancolie assez prenante. Tout en imposant sa patte et en donnant au titre une dimension épique, Minencial rend hommage au panache et au romantisme distancié de cette musique hermaphrodite. Beau boulot.
© Matthieu Dufour