Chronique – Kid Francescoli – With Julia.

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Je vais être honnête : je ne lis quasiment jamais les flyers, papiers, histoires qui accompagnent les CD que les artistes, labels, attaché(e)s de presse ont la gentillesse de m’envoyer. Aucun mépris, juste un peu de flemme et l’envie de découvrir la musique sans explications. Relativement expert en matière de propagande je sais aussi qu’on peut raconter de belles histoires pour vendre tout et n’importe quoi, y compris un disque insignifiant. Alors allez savoir pourquoi j’ai jeté un œil sur celui qui accompagnait celui de Kid Francescoli, dont je n’avais jusqu’ici approché la musique que de façon négligée et distante.

Vous connaissez déjà probablement le pitch, New-York, l’histoire d’amour With Julia, la rupture, les chansons, l’album, etc. Subitement refroidi par ce contexte me faisant craindre au mieux l’œuvre hype d’un nouveau petit génie de la french touch pour un city-trip mélodramatique en cinq actes, malin mais éphémère, au pire un best of de lounge music soporifique pour la boarding room d’un aéroport de province. Le truc qui met dans de mauvaises dispositions pour la première écoute. Tu fais autre chose en jetant de temps en temps une oreille distraite à quelques accords et tu passes le CD promo dans la pile « non » avant de reprendre en route le dernier épisode de ta série préférée. Tout aurait pu s’arrêter là. Et c’eût été franchement dommage.

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Pas plus que je ne sais pourquoi j’ai lu ce flyer, je ne sais pas ce qui m’a poussé à revenir à ces dix titres. Le nom, la pochette qui traine à côté de la tasse à café, le souvenir d’une jolie mélodie qui remonte inconsciemment, un peu de mauvaise conscience et me voilà glissant  le CD dans le lecteur, rapidement frappé par l’évidente sincérité de chansons qui ne peuvent laisser de marbre. Loin de tout calcul, de tout cynisme, de toute impudeur, la mise en musique et à distance de cette histoire sinueuse est franchement très touchante. Une ambiance qui s’installe en douceur, des sensations familières qui reviennent de loin, l’impression de se reconnecter avec des histoires passées, comme pousser la grille d’un paradis perdu : celui que l’on quitte quand on s’installe un jour comme un grand dans la vie avec des perspectives de définitif. Après quelques instants en compagnie de ces morceaux, j’ai vite retrouvé, et avec une certaine fébrilité, le goût de lèvres frôlées pour la première fois, le tremblement d’une main qui hésite encore à se refermer, les fameux papillons dans le ventre, l’émotion vibrante des premiers questionnements, les sueurs froides, les frissons brûlants, les minutes qui durent des heures à attendre un coup de fil, à ne pas oser composer un numéro, les mots que je n’ai pas dits, ceux qui sont sortis trop vite, ce mélange de calcul non maitrisé et de spontanéité bordélique qui fait perdre le sommeil et pas mal de repères. Cet état narcotique de flottement, de printemps et de frissons incontrôlables.

With Julia est aussi un élégant dialogue musical bariolé entre électro aérienne et folktronica entêtante, machines métronomiques et instruments agiles, chassé-croisé amoureux et savoureux qui prend un peu plus d’ampleur à chaque écoute par la grâce de ritournelles soignées et soigneusement arrangées. Des compositions chamarrées qui convoquent les doux états d’un amour qui s’annonce, s’installe, danse et s’enfuit, entre emballements de la peau, battements du cœur, chamades hypnotiques, balancements éthérés sur le fil du doute et de l’espoir.

Il y a ce Blow Up au tempo irrésistiblement sensuel, le spatial Disco Queen, improbable mash-up de Röyksopp et d’une Madonna dont la voix serait shootée à l’hydrogène, un Prince Vince vitaminé à souhait qui donne envie de partir boire du Campari sur la côte Amalfitaine ou encore Boom Boom, quintessence parfaite de l’état amoureux avec ces deux voix qui se font légèrement chavirantes, Italia 90 et Dirty Blonde, comme ces morceaux parfaits de fin de soirée, entre désir et lassitude, chaleur et spleen. L’ensemble forme l’emballant conte d’une émouvante saison en amour. Un disque de pop pure qui décide de ne pas choisir entre le dance floor, l’alcôve et les bords du fleuve à la tombée du jour. Un voluptueux mélange des genres, entre raffinement et efficacité mélodique. Une véritable euphorie nait de cette mélancolie originelle, une euphorie douce et rassurante, pleine de lumière et d’envie. La chaleur et le souvenirs des jours plus heureux. La puissance et la magie de la sincérité probablement.

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