Rémi « Melody » Parson.

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© Matthieu Dufour


Ne vous fiez pas aux apparences (sourire facétieux, visage d’éternel ado, look d’étudiant pudique). Si dans certains bars de la planète on lui demande encore une carte d’identité pour accéder à un cocktail alcoolisé, Rémi Parson n’est pas ni un perdreau de l’année naïf, ni un jeune premier éperdu de reconnaissance que n’importe quel directeur artistique pygmalion venu pourrait façonner à sa guise selon les créneaux à occuper sur le marché de la musique indé. Musicien précoce et surdoué, il se met à la guitare en empruntant celle de son frère vers 11-12 ans. Il faut dire qu’à Montauban, à part se laisser aller à sa « douce déprime gorgée de soleil », on a vite fait le tour (« de tes insuffisances, de tes loueurs de cassettes »). Alors le jeune Rémi compose sur son 4 pistes et monte des groupes comme d’autres construisent des cabanes dans les arbres. A Place For Parks, et son post rock, sa musique panoramique et planante, déjà étonnamment mature. Avec Electrophönvintage, il s’essaye à une pop cristalline sous influence néo-zélandaise, avant de convier sa femme, Delphine, au chant de The Sunny Street, lorgnant sur les belles années de Sarah Records. Cette suractivité musicale précoce qui l’emmènera jouer ailleurs (New-York, Scandinavie, …), lui fera vite comprendre que Montauban est vraiment trop petite pour ses rêves de mélodies. Alors Rémi embarque femme, claviers et spleen pour Londres. Là sous la grisaille bienveillante de la capitale anglaise, tout en écrivant des descriptifs de fringues de marques pour un site d’e-commerce, il trouve un terreau fertile pour son inspiration débordante. Son écriture s’affine et s’affirme en assumant enfin sa langue natale, et là-bas, sur les ruines des temples de la new-wave, il peut bricoler une pop hybride, douce amère, à la fois intime et brillante. Avec panache et talent il convoque les ombres des figures tutélaires, des Cure à Chamfort, de Souchon à The Wake, de New Order à Daho, il fait plus en quelques mois pour la réconciliation franco-anglaise que des siècles de diplomatie foireuse. C’est donc loin de chez lui, là où il croyait pouvoir échapper à son passé qu’il compose d’une traite Précipitations, l’album fondateur. Après des années de vagabondages et d’expérimentation, il vient de toucher sa vérité, de trouver sa place dans le bordel musical ambiant. Après des années à contourner, il finit par se l’avouer : il ne sait et ne veut faire que ça. Son amour des claviers vintage aux sons si singuliers, son talent inné pour la mélodie, un tweet de Magic, un nouveau Casio pour Noël et l’album débarque. Accessible, cohérent, brillant. Rémi tombe le masque de clown triste pour chanter les affres de la vie et de l’amour. Comme beaucoup avant lui. Mais rarement avec un tel mélange de sincérité sans fard et d’évidence pop. « Pour ce qui est de la mélancolie, pour dire vrai elle ne me quitte presque jamais. » Des chansons qui filent à l’anglaise pour mieux revenir vous hanter, des mélodies qui s’incrustent au plus profond de vous et semblent arriver de nulle part le matin au réveil. Au-delà de cette évidence, ce qui frappe chez Parson c’est son authenticité. Un type qui avoue aimer les années 80, c’est suffisamment rare pour être souligné. Un type capable de trier le bon grain de l’ivraie de l’époque, de réévaluer des groupes disparus ou mal aimés est nécessairement singulier. Rémi Parson a trouvé sa voie. Alors un an après il enfonce le clou avec un EP terrible. Montauban. Le chef d’oeuvre de sa nouvelle carrière. Dense, compact, fort, addictif. En 4 titres Parson solde ses années de jeunesse, paye la note et laisse un pourboire généreux à sa ville. 4 titres pour faire l’éclatante démonstration de son talent de mélodiste, Un EP sec et froid comme Montauban est alanguie et chaude.« J’ai toujours l’idée du tube en tête, je ne suis pas contre les effets pyrotechniques, une certaine frontalité. La seule condition, c’est de faire avec mes moyens, bricolés, simples, mes principes de traviole. C’est la chose qui me définit le plus en fait : le DIY. La volonté de faire de son mieux avec ce qu’on a, d’y mettre tout son cœur, toute sa sincérité plutôt que tout son matos. » Une profession de foi. Et après ? Il sera probablement là où ne l’attend pas, tout en continuant de tirer le fil. Il fera tout pour préserver son indépendance et poursuivre son oeuvre, fidèle à lui-même, à ses principes et à ses valeurs. La fidélité. Celle qui le lie à Bruno, son bassiste des premiers jours, trait d’union entre un passé imparfait et un futur immédiat. Alors non, ne vous fiez pas aux apparences. Derrière le talent, il y a du travail et une volonté de fer. Barcelone, Paris ou Amsterdam, demain Rémi ira là où ils ont envie mais ne s’arrêtera plus jamais de composer ses chansons gris clair, douces amères, car il n’y a que cela qui compte. Il faut dire qu’avec un prénom composé de deux notes de musique et quand on est né Par(le)son, il peut difficilement en être autrement. Melody Parson.


© Matthieu Dufour


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