Béziers 1209 (by Guillaume Mazel).

Sans titre


Ils l’avaient tous entendu et compris, ceci allait être une kermesse qui n’allait point les approcher du paradis, pourtant, c’est au nom de Dieu et pour la sauvegarde de leurs âmes qu’ils allaient sous peu, décimer tout être de la Cité du Soleil. Béziers avait tendu les bras au sacrifice, épique et orgueilleuse, vaillante et inutile. La chaleur de ce juillet de l’an de grâce 1209, avait brulé les derniers espoirs de bons hommes et de leurs protecteurs. Les papes et leurs archanges avaient décidé de tuer le coq dans l’œuf, et l’envoyé d’Innocent III (bon porteur de son nom), Arnaud Amaury, abbé maigrichon et mal-baisé, avait lancé à son ciel la phrase lapidaire « Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens ». Un mercenaire gallois, de noir vêtu, dont un ceinturon à la boucle titanesque qui couvrait ses braies un peu trop ajustées, le faisait remarquer et lui valut quelques quolibets plus ou moins agréables, se tenait en toute intelligence à l’ombre allongée du cheval de Raymond, comte de Toulouse, l’oreille attentive, car il ne comprenait pas toutes les nuances de la langue d’Oc ni d’Oïl, avait parfaitement compris l’ordre, et tremblait déjà en voyant s’éloigner les portes de l’Eden sous le regard rancunier de Saint-Pierre. Point doté de grande intelligence, mais formé au sang et au fer forgé, notre molosse, savait que l’attente serait longue, nul n’est payé à l’heure, au moins, la proximité de la mer, la chaleur et une forte présence féminine en queue de peloton rassasiera sa faim. Ces murs semblaient éternels, ces franchouillards avaient l’art des bâtisses. Travailler pour un roi ou un pape permet au moins un bon ravitaillement, « I who have nothing » se dit-il, pour se rassurer de n’avoir pas raté son destin. Soudain il sentit l’ombrage fuir, Raymond venait de se lancer au galop, et une peuplade de moutons en armure se mit à crier, assez fortement comme pour sortir notre noir et frisé mercenaire de sa torpeur. Quand on est comme lui, on se met à courir et à crier comme tous les autres, sauf que quand il emploie la gorge, le diable même devient mule. Sans vraiment comprendre, il tendit cuisse et thorax et commença à poursuivre la meute. Plus bas dans la plaine, aux abords de l’Orb, fébrile fleuve, un groupe de jeunes Biterrois avaient fait une sortie vin-baignade-fifilles sans se douter (ces jeunes n’ont aucune éducation et de civisme n’en parlons point, dévergondés) sans se douter, dis-je, que les fins éclaireurs florentins avaient flairé l’erreur, et dans la tranquillité des étés du sud, les jeunots oublièrent ces orages surprenant qu’apporte le vent d’Autan, ils n’avaient chaussé leurs oripeaux que la foudre les frappa. Ces fils à papa de basse bourgeoisie déguerpirent comme lièvres, mais obligèrent l’ouverture des portes dans leur retraite. La bouche des ténèbres s’ouvrit, et le cor le jour au bord des bois alarma la lourde cohorte, que Béziers était une ville ouverte, béante bévue. Les gentils chrétiens, amants du pardon divin et de la bonté, ni ne pardonnèrent, ni ne furent bons. Ce qui se devait être une éternité patiente, fut une seconde hystérique. Les premiers croisés s’y engouffrèrent et occupèrent ce point crucial, les bêtes humaines arrivèrent presque à l’instant, affamées, salivant de haine et de liesse, la gorge ample pour le sang à boire, ivre de vice, boulets à canons de sexes, hallebardes de pillages. Tom, bien que parti en retard (de là l’idée du décalage horaire entre Galles et Britanie) fut l’un des premier à faire du tourisme mortel au sein de la forteresse, il est vrai en envoyant quelques compères de bataillon au sol à la manière fort connue du maul gallois. Il entra emporté par la foule, jouant des coudes et de l’ampleur de son anatomie, et surtout de la taille de son marteau, et quand la cohorte entrait dans une ruelle et faisait entonnoir, il ouvrait grande sa mâchoire et laissait parler la poudre, car Dieu (ou le diable) l’avait doté de cordes vocales inhumaines, qui faisaient exploser les ouïes dans un plaisir tonitruant, puissante voix, certes, mais chaleureuse et élégante comme seuls les saxons savaient faire, quoique certains mercenaires italiens de voix fines et parts amputées savaient tout autant briser les tympans de l’aigu de leurs gorges. Toujours est-il que sa goualante ouvrait passage et portes avec fracas, et les pauvres ombres qui osaient encore bouger tremblaient à deux quartiers de distance, sachant que cette trompette vocale était pire que Jéricho, et annonçait la fin des temps comme on ouvre le bal. Parfois, le coup de marteau n’était même pas nécessaire, le chant du gallois créant des sous-vide où s’étouffaient les biterrois. On dit même que les mercenaires qui l’entouraient se plaignirent de n’avoir pu meurtrir à un seul bonhomme à cause de l’avarice et faim insatiable de sang du titan. Il ne faisait jamais les choses à moitié, ni avec les hommes, ni avec les femmes, encore moins avec les breuvages. Le charmant soniquet du crâne se fendant sous la masse, donnait un rythme hypnotisant aux scènes interdites aux moins de 18 ans. Ce fut comme un incendie qui s’étira le long des rues, comme la peste dans la campagne, ce fut l’apocalypse, aucun dieu n’apparut pour répondre aux prières, aucun diable ne voulu voir.  Surpris dans un désert charnel, dans une petite ruelle vide de potentielles victimes, il décida de prendre un petit repos dans une des masures encore vierge. L’homme de grande taille abattit la maigre porte comme un loup devant le premier cochon, poussant son cris de guerre « Along came Jones », fit tournoyer dans l’obscurité une dizaine de fois sa grosse masse nommée avec bel amour « Black Betty », mais ne toucha à rien, l’endroit semblait vide, qu’importe, il pillerait à tâtons. Son rire fit trembler le banc et la table de bois de noyer, la cruche se rompit sous le séisme et laissa apparaitre une belle somme de pièces d’or. Après un bon rot, il s’exclama dans sa langue natale avec un accent à couper au lansquenet

«  Delhila, tout ça pour toi, ta dot, et sans verser encore le sang »

(Placer ici un rire grave, profond et surtout tonitruant, oui, tonitruant se répète pas mal dans ce délire, mais c’est que Tom est la tonitruance même.)

Un petit sanglot de rat écorché lui chatouilla l’ouïe, comme il se répétait, il le suivi pour trouver quelque chose semblable à de la chair caché derrière un coffre

Alors que le gargantuesque Tom soulevait le coffre de chêne en mettant à jour l’apeuré pleutre qui s’y cachait, un cri strident lui entailla la feuille gauche et s’enfui vers la lumière comme spectre sauvé des limbes, le silence se fit, l’inertie terrible, il paru même que dehors le carnage avait fait une pause gouter. Tom repris ses esprit et l’usage de son oreille ébréchée. Il soupira en baissant le front tout en dodelinant de la teste.

« Pfft, fichu monde où tout un chacun a à portée de main de mourir, en voila un qui m’est mort de trouille…»

Crescendo se fit entendre le sifflement de l’air envahissant les poumons. Une légère voix monta jusqu’aux narines du gallois 

« Je ne suis point mort, mais si il plait à messire d’omettre cette vérité et d’aller tuer un peu plus loin, à ceux qui disent rester en vie et vouloir bien vivre, je ne m’en plaindrais point. »

Tom resta abasourdi par cette réplique, et pris d’un élan jovial, se laissa applaudir comme il devait cette tirade qui lui venait d’ébranler les commissures. 

« Pardieu, êtes- vous si bon bouffon que la morsure de ma masse ne peut quitter le parterre? »

En effet, le marteau ne bougeait plus, collé d’un fou-rire au sol.

« L’humour est si bon guerrier, que qui sait le manier a bien des victoires à son chapelet, lève-toi, part infime d’humain, et mets-toi à la lumière que je découvre quel pitre habite cette besace ridiculement maigre…» 

« Croyez-vous vraiment que je vais vous obéir, si je ne me commande point de moi-même, ma main gauche a tendance à la droiture et ma droite est gauchère, et mon pied droit n’attend pas toujours le geste de la cheville gauche pour se mettre en route, mon cerveau n’obéit qu’à sa propre anarchie ici ou là-bas, je suis chaotique de ma langue et plus encore de mon destin, je vais où mes vents me mènent, en sorte. »

« Ors vous n’êtes point d’ici ? »

« Non, et rien à voir avec cette histoire, messire. »

« Tu parles la langue normande mon bel ami ? »

« Oui, Breton bien que SDF, et j’en déduis par votre accent messire, que vous êtes l’un de nos esclaves gallois. Je parle votre langue car elle est mienne, canaille, voire si vous croyez en votre humble ignorance de vendu que tous les cathares sont du même cru et des mêmes vignes, nous naissons tous quelque part sis ailleurs, ainsi parait-il, notre dogme naquit en terre teutonne, à l’époque où nous sommes, les nouvelles courent les chemins à toute vélocité, en trois ans nous fûmes du côté de Londres, de la vérité de Dieu. Comme je n’avais pas d’autres diables à fouetter, voila que je m’y mets avec la force de la cécité, et bien qu’ici vous me trouvez, sire, vêtu des oripeaux de mes gens et illuminé comme feu de Saint-Jean, en la place et lieu de la révolte bonne, fidèle, comme la peste au pestiféré, à mes idées et à mon crédo « tout et surtout rien, suivant le gain », si je dois renier de ma reine, nul problème, que Dieu s’en charge et la bénisse en passant, si je dois m’agenouiller, nul effort, ni dieu ni maitre,  du moment ou je survis. »

« Soyez donc anarchiste, vermine, mais ne tentez point le diable car c’est Dieu qui vous épargne en ce moment, et mon bon sens de l’humour. Quel est votre nom, si vous en portez un ? »

« John Joseph Lydon, mais mes acolytes me nomment Rotten, Johnny Rotten, je ne sais point d’où cela provient, peut être de mon dégout de tout…»

«  Je crois pouvoir donner une autre solution, dit Tom en grimaçant comme si une flatulence l’avait atteint, il observa longuement le gueux mal vêtu, les cheveux celtes tant sales qu’ils tenaient debout. Mon nom est Tom Woodward, mais les amis me nomment avec frayeur Tom Jones, et les femmes me nomment en étirant leurs murmures comme en un soupir d’extase, Tommmmmmmmmmmmmmm ». 

Son visage prit un instant l’air d’un chérubin naïf, puis son front se  rida et ses sourcils se froncèrent. Il s’assit en face de l’énergumène, posa ses lourdes bottes sur la table et d’un coup puissant, cloua son marteau sur le dessus dudit meuble, remarqua la gouttière qui faisait de la musique depuis la voute.

«  Je suis un matador, et tu es une femme tant ta faiblesse est criante, les femmes ne se tuent pas sans juger avant de sa valeur, voila ce que je te propose, John, donne moi trois raisons (pour la Sainte Trinité) pour te laisser vivre, et je te laisserai aux portes de Béziers en feignant d’être mon écuyer, mais si je n’arrive à me confondre dans ton discours, que cela soit par rire ou par intelligence, ma masse jouera du rock sur tes tempes. »

Le fanfaron posa son arrière train sur un tabouret, en face du titan, pensa un moment, et d’un sourire mi-nerveux, mi-vicieux, il acquiesça de la tête, se raidit, et amplifia son maigre torse.

«  Primo.

Vous, musclé et impressionnant bonhomme, vous dédiez votre vie et âme à la foi, comme si du plus grand plaisir il se traite, n’avez-vous point connu l’amour, le péché qui fait se lever la peau de la chair, le réel plaisir de la révolte, du non légal, votre passion n’est qu’un esclavagisme, mais ceci n’est pas une chanson d’amour, ceci n’est point l’amour, c’est une confortable inertie, pour autant que vos épaules soient solides, elles se courbent aux commandes d’inconnus habillés comme l’empereur nu. Regardez-moi, menu moineau, j’ai volé entre des jambes que vous me devez d’envier, j’ai fait sourire des bouches de femmes qui vous sont cachées sous serrures à double tour, j’ai dit bonjour en entrant dans leurs lits et je n’ai rien eu a dire en partant, j’ai mangé des festins avant que les rois se mettent à table, voici ce qu’est la liberté d’aller, de venir, de dire et faire, de s’inventer des gestes, de provoquer des guerres et en échapper en prônant la paix, de mentir au besoin et sans lui. Je n’ai pas eu à me battre, et j’ai connu des églises dans toutes maisons où prier était ivresse et avoir la foi était décadence, et le diable n’entrait pas, je suis homme, je suis homme, ni démon ni archange. Maintenant, regardez vos faits et gestes, regardez-les depuis l’extérieur, car en vous ils n’existent, Ô seigneur vous êtes fort, puissant, impressionnant, une souris des rois, une chenille que l’autre écrase, une pièce d’échec qui ne sait penser au mouvement. Primo, messire, la liberté d’être un, une seule voix pour chacun. La votre, voix, est puissante, mais enchainée, close…»

Tom ne broncha point, incrustant ses pouces dans la grosse ceinture, d’un orgueil touché mes présents, il vociféra.

« Me croyez-vous, larve, de ces hommes qui finissent en gentils paysans sur une terre de merde qui ne nourrit aucun de ses dix rejetons, me croyez-vous de ceux qui ne se laissent bercer que d’un seul sein, et enchainé par un anneau à une seule pauvresse tentant le sourire complaint et la vieillesse somnolente? Bon dieu, j’ai des filles dans mes alcôves où que soient mes alcôves, qui n’ont nul besoin de me donner le bonjour ni l’au-revoir, dont le nom m’échappe mais point la chair, aveugle que vous semblez, du matin au soir entre alcool et denrées, je me dévore des donzelles et je m’enivre de jumelles, à chaque jour sa saveur, à chaque nuit sa chaleur, votre primo est faible, mon ami, offrez-moi mieux, ou je prépare le pieu. »

Bienveillant, par la tendresse on n’adoucit pas la bête.

« Deuxio.

En avant de ma seconde raison, la plus philosophique si il en est, messire, et sans nul doute celui que vous n’entendrez point sous aucun soleil ni aucune lune, non que je doute de votre crâne si ample, sinon plutôt du petit locataire de cet ossement. »

Ici Tom fit une grimace qu’il transforma, comme le font les idiots, en signe d’accepter a l’avance comme bonne toute parole, feindre que l’intelligence est au-delà de cette offense, et que le cerveau suffira amplement a comprendre les dires suivants.

« Voyez-vous, il est tout aussi nécessaire que les fourmis grignotent comme que le lion dévore, il est tout aussi nécessaire qu’un ange ait à combattre un démon, sinon il n’y aurait d’ange, je parjure mais promets ma vie que sans bouffon, il n’y a de roi. Comment mesurerait sa force un titan si il n’y avait de freluquet à bousculer? Me suivez-vous? Sans l’antagonisme, sans le contraire, sans l’ennemi, d’où puiserait-on tous nos barèmes de vie, au chiendent sa rose, au paon son cafard, au débile John, son puissant Tom, vous, messire, si vous m’ôtez la vie, qui demain vous appellera puissance, qui, de son tremblement, de sa peur, vous donnera le niveau de pouvoir? Me tuer, dites-vous, à quoi bon ou pourquoi pas, mais bien sur que non, nèfle de cervelet  prématuré, sans moi, vous n’êtes rien de rien, est-ce votre quête, en arriver à étriper tant et tant qu’a la fin de vos jours de bravoure, si l’on peut dire, vous n’ayez plus aucune victime pour vous nommer seigneur, barbare, ogre, tout puissant ou andouille, que sais-je encore, Maitre. Nul besoin de vous demander pitié, vous serez pitoyable  tout seul dans la solitude du marteleur de tète, alors que de mon lieu de repos éternel, je rirai encore de vous, qui, messire, qui sera le puissant si vous écourtez mes jours, bêtise sera votre héritage à long terme, mais si vous me laissez la vie, je prônerai ma peur de vous, vous rendant grand, et vous donnant de mes légendes, la grandeur éternelle, la puissance au-delà de l’imaginaire, la valeur du héros. »

« Je n’y avais point pensé, effectivement, bougre, que serait-il de Merlin sans Morgane, qui chantera mes gestes si j’annihile tout chantre à ventre ouvert, vous voyez, je vous ai parfaitement entendu dans votre si intense et éclairée philo je ne sais quoi, j’avoue que c’est une raison de poids, mais l’envie d’éventrer reste bien intacte en moi, un est né massacre et respire par le sang, et ne saurait pour une parole si diffuse devenir mouton, brebis ou fourmi. Je ne sais coudre ni faire rougir les dames, je ne sais forger ni dialoguer de politique, mes bras sont outils et ma tète  enclume, mes jours sont batailles et mes nuits ronflements, je ne sais vivre autrement que par le fer, ni ai besoin réellement de penser aux lendemains, aujourd’hui, Béziers, demain Byzance, que m’importe, l’écuelle pleine et le sexe vide, que demander de plus à la vie, sinon la liberté des vices pardonnée par le curé avant chaque péché. Alors que toi tu ris des méchancetés, moi je les invente, qui est alors, le plus intelligent ? Il vous reste une chance, débile maillon de la chaine humaine. ..»

Ne perdons aucun espoir, petit John.

« Tercio.

Bien, soit, ni par amour, ni par intelligence j’arrive à vous incliner, messire, alors pour dernière solution, j’ai trouvé la géniale idée de me pourfendre moi-même, vous quitter le plaisir, vous ôter le geste, vous laisser sans dessert, pour que vous ne me tuez, je me tuerai avant, j’y gagne et vous y perdez, messire. Voici mon ultime choix, j’ai décidé de m’octroyer le droit de me trancher de ci à là. Que ferez-vous ensuite, inutile géant, chômeur du sang, si avant d’avoir gagné votre défi, vous me voyez gagner le mien, repartir embêté dans ses rues adjacentes et triturer sans envie les passants, croquer sans sel les os des biterrois, je vous aurai quitté le gout des excès, votre grandeur sera haute de trois pouces, rien de rien, désabusé, le marteau lourd, la ceinture trop grosse, les braies trop asphyxiantes, Ô, je vous regarderai depuis mon joyeux enfer pâlir peu à peu, tuer sans plaisir, écraser sans brio, pour effacer de votre crâne l’envie de me tuer, rien de plus aisé que d’être déjà mort, et n’allez point penser que cela m’effraie, j’ai toujours fait ce qu’il me plait, j’ai toujours choisi mon chemin, et je finirai comme bon me semble, je n’ai aucune crainte du suicide comme je n’ai aucune crainte de la vie, les calamiteux comme moi, n’avons pour norme que l’anormal. « 

Sortant une petite dague surement infestée de la dernière poularde égorgée, il la mit à l’ envers et l’approcha de son cœur.

« Messire, votre joute est perdue, et mon anarchie vainc, la force de penser comme un est par cette preuve, bien plus puissante que celle de se laisser penser par les autres, choisissez séant le sort qui m’attend, regardez-moi dans ma gloire me percer du trophée du vainqueur, ou sortez de suite et continuez votre bonheur sur les artères des autres, comme si de rien, 1, 2, 3, voici le choix… »

Tom se leva en grognant comme dogue breton, son poignet enflé de l’effort que sa main posé sur le manche de la masse, se mordant les dents, le front descendu jusqu’aux cernes, il poussa un étrange râle en tentant de lever l’arme lourde, mais il n’y arriva pas, il ne voulut avouer sa défaite et préféra se tourner et donner un coup de pied a la porte, et sortir en feintant une certaine liesse.

« Burning hell » répéta-t-il cinq ou six fois

« Comme vos donzelles, messire, sans bonjour et sans au revoir », se moqua le maigrichon, qui reposa la dague sur la table et respira profondément.

« L’échappée belle, murmura-t-il, une fois encore, la sauvegarde plait à l’idiot. »

John se baissa et ramassa les pièces de la cruche brisée.  Alors qu’il se relevait pour les empocher, il se trouva devant trois malsains aussi maigres que lui.

« Je vous l’avais bien dit, il nous en laissera, certes, ce sont des miettes, mais ce gallois a bon cœur de nous laisser massacrer à nous aussi, mes amis…»

John sourit, alors qu’il s’apprêtait à traiter de nouveau.

« Laissez-moi trois chances de vous prouver que vous devez me laisser vivre « 

Il n’eut le temps de reprendre sa respiration, les trois hurluberlus le tranchèrent sur le moment en jambon de basse qualité, tous les mercenaires du Pape ne parlent hélas, le saxon avec fluidité, et que Dieu reconnaisse les siens.


© Guillaume Mazel


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