Bashung – En Amont.
Immortels, le titre de Dominique A envoyé en éclaireur m’avait alerté.
Je trouvais que la chanson ne décollait jamais, engluée dans une « production maquette » qui lui enlevait toute son ampleur potentielle, toute sa force intrinsèque révélée par l’interprétation (ultérieure) de son auteur.
Pas étonnant que Bashung l’ait écartée de Bleu Pétrole. Et par pitié, épargnez-moi tout ce fatras larmoyant et métaphysique qui a entouré sa sortie ; acceptons l’éventualité que sa décision de ne pas la retenir ait aussi pu être motivée par des raisons artistiques.
Bref, je ne voulais pas écouter En Amont.
Mais j’ai fini par céder.
J’ai écouté.
Et je n’ai pas aimé.
J’ai essayé, je vous jure…
Mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même, c’était tellement prévisible !
Comment imaginer en effet qu’un album composé de titres retoqués de son vivant par l’artiste en personne puisse-t-être un sommet de sa discographie ? A fortiori par un artiste ayant arpenté les champs d’une écriture parfois expérimentale, souvent novatrice et toujours exigeante. Alors désolé, mais il faut parfois dire les choses : malgré leurs qualités respectives, Furnon, Raphaël ou Doriand ne sont ni Fauque, ni Bergman. En soi, ce n’est pas très grave d’ailleurs, mais l’alchimie qui opérait entre Bashung et ses deux auteurs majeurs nous emmenait quand même souvent un peu plus haut, un peu plus loin. En tout cas ailleurs…
Alors, malgré l’envie qui nous tient tous d’entendre le plus longtemps possible nos artistes préférés, de retrouver la flamme originelle, de se laisser surprendre, je crois qu’il faut savoir dire stop. Accepter que tout cela se termine. Laisser les chanteurs et les groupes mourir. Garder ce qu’ils ont fait et ne rien regretter.
Après avoir écouté cet album et relu quelques papiers qui en parlent, j’en viens à me demander si les ordonnateurs de cet exercice posthume y croient eux-même. En décryptant la promo savamment orchestrée autour de disque posthume, on trouve surtout beaucoup de storytelling, de justifications, de brevets de crédibilité décernés de l’au-delà et de tentatives de déminer toute polémique éventuelle. Polémique qui n’avait aucune chance d’arriver tant il y a maintenant des totems sacrés auxquels nous sommes priés de ne pas toucher sous peine de « gilet-jaunisation ».
Au final, ce disque me parait tout à fait ordinaire, et surtout tout à fait dispensable…. Passablement lénifiant même, sur certains titres neurasthéniques. Ni franchement mauvais, ni franchement bon en somme. Il ne me touche pas, ne me surprend pas. Il faut dire que Bashung nous avait plutôt habitué à de l’extra-ordinaire. Je l’avais découvert avec Pizza (ce disque m’avait soufflé, personne en France ne faisait ça, en français, à l’époque). Je ne l’ai lâché qu’au moment de Bleu Pétrole, qui à part un ou deux morceaux de bravoure m’avait laissé au mieux perplexe, au pire de marbre. Je ne crois pourtant pas être de ceux qui se terrent dans une nostalgie figée (la preuve j’écoute plus souvent Morrissey que les Smiths et New Order que Joy Division…).
Mais là, je vais faire exception, offrir le disque à quelqu’un (oui je suis comme ça…) et je retourner écouter Play Blessure et L’Imprudence.
Je vous laisse à vos mouchoirs, à vos conversations d’outre-tombe et à vos orgies de Noël.
Je retourne en aval donc.
C’est comment qu’on freine ?
© Le Grinch