Rémi Parson – Les sentiments.
« Tomorrow we will run faster, stretch out our arms farther. . . And then one fine morning — So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past. »
Cette phrase qui clôture le Gatbsy de F.S. Fitzgerald, est l’une des fins les plus célèbres et les plus étudiées de la littérature américaine. Sa musicalité, sa poésie si fitzgeraldienne, sa mélancolie teintée de tendresse, résument des vies entières passées à se battre avec soi-même, à empiler maladroitement des sensations amères, des sentiments intenses, des souvenirs fugaces, des relations bancales. Des nuits et des jours passés à tenter de construire des châteaux en Espagne pour se retrouver avec des châteaux de cartes fragiles et brinquebalants. Des saisons sans fin passées à emprunter les mêmes voies sans issue, des siècles d’hésitations avant d’oser quitter la routine pour des chemins de traverse incertains et sinueux. Depuis Précipitations, Rémi Parson met sa vie dans son art avec autant de nuances et de subtilité que l’écrivain américain. Évidemment, il la déguise, la camoufle, distord la réalité, malaxe son trop plein permanent d’émotions pour tenter de sculpter une oeuvre musicale emplie de poésie du quotidien, jouant avec les mots comme des Lego. Avec ce premier single tiré de son nouvel album, l’épatant Pour un empire qui sortira en novembre, l’auteur-compositeur-interprète nous livre une cavalcade sentimentale échevelée en pleine forêt (imaginaire ?). Une course contre la montre effrénée, entre sur-place rassurant (cent-fois sur le métier, remettez votre ouvrage) et tentative de grande évasion. Une échappée sur fond de synthés grinçants et de boites à rythmes syncopées qui donnent le ton d’une implacable fuite en avant. 3 minutes 40 à perdre haleine dans le labyrinthe des sentiments en vrac. À bout de souffle. Fitzgerald disait aussi : « Ni le feu ni la glace ne sauraient atteindre en intensité ce qu’enferme un homme dans les illusions de son coeur »… Vivement l’album !
© Matthieu Dufour