Interview – Pedro, directeur du label indépendant UNKNOWN PLEASURES RECORDS.

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Pedro bonjour, pourrais-tu présenter en quelques mots ? Que faisais-tu avant de lancer Unknown Pleasures ?

En quelques mots ça risque d’être ardu, j’ai commencé ma carrière dans la musique en tant que Disc Jockey dans les années 80, j’ai été assigné à résidence pendant une dizaine d’années dans deux clubs mythiques du sud de la France et j’ai lancé le concept des soirées Armaggedon en 1993 au Trolleybus de Marseille. Puis vers 1999/2000 j’ai commencé à bidouiller mon propre son sous le pseudo d’HIV+, c’était du bruit au départ, puis de l’électro industrielle tendance lourde et hardcore. Malgré sa dureté et sa virulence la notoriété d’HIV+ dans le milieu indus m’a permis de jouer à plusieurs reprises de l’autre côté de l’Atlantique (Mexique, USA, Canada, Chili …) puis dans plusieurs capitales européennes jusqu’à que je décide d’arrêter ce projet en 2008 pour raisons personnelles et une envie de m’éloigner un peu d’un milieu underground infesté de crevards que je trouvais de plus en plus prévisible et phagocité par des opportunistes sans scrupules.

En 2006 j’ai collaboré avec The Hacker sur le titre Növö diskö, ce qui m’a motivé à revenir à des racines plus New Wave ou Cold et à considérer ma voix comme un instrument à part entière. J’ai sorti une série de compilation nommées Electronic Manifesto (en 4 volumes) qui ont pas mal marché vers 2008/2010.

En mai 2012 j’ai commencé à travailler étroitement avec Michel Lecamp aka Usher (Norma Loy, Die Puppe, Black Egg) avec lequel j’ai fondé Adan & Ilse, groupe basé sur les sons Electro Pop/New Wave/Post Punk qui font partie de l’ADN de notre génération et dont il fut lui même l’un des pionniers en France sous le nom d’Anthon Shield (comme l’atteste la compilation de ses premières cassettes 1980-1985 que nous avons publié sur UPR en 2015).

Qu’est-ce qui peut bien pousser quelqu’un à lancer un label par les temps qui courent ?

L’envie de montrer que les genres musicaux que nous défendons ne sont pas du tout ces caricatures médiocres et ridicules, souvent venues d’Allemagne ou des USA, auxquelles on pourrait s’attendre à la lumière d’influences aussi référencées que les nôtres.

J’ai eu envie de contribuer à mon petit niveau à la continuité de ces mouvements musicaux que nous aimions au début des années 80, cette révolution de la pop synthétique, de l’électro sombre et de la cold wave qui sont devenues de plus en plus commerciales au milieu des années 80. On pourrait d’ailleurs situer cette explosion grand public à partir du succès du Fade to grey de Visage puis par celui du Blue monday de New Order dans les clubs du monde entier. Aujourd’hui mes amis et moi aspirons à redorer le blason de genres musicaux trop longtemps moqués en France (la cold wave, la new wave, l’EBM, l’industriel ou la techno dark), a redonner une âme et un sens à ce qui a fondé la révolution Post Punk qui a été sérieusement galvaudée et pillée au début de ce siècle par des musiciens opportunistes et de tristes techniciens sans talent.

Il y a aujourd’hui beaucoup du sang neuf dans les micro-scènes Minimal Wave, Electronic Body Music, Cold Wave ou Neo Shoegaze et notre label donne à la fois à des jeunes et à des vieux briscards la possibilité de s’exprimer librement mais aussi de collaborer ensemble par le biais de nos compilations et de continuer là ou nos prédécesseurs des eighties s’étaient arrêté.

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On sent une vraie esthétique globale, une « direction artistique » au sens noble du terme qui part de la musique que tu sors et va jusqu’aux pochettes. Cela rappelle immanquablement les grandes heures d’une certaine musique (Factory, 4AD …) : j’imagine que c’est une démarche totalement voulue ?

Absolument. Tu as parfaitement compris la démarche qui est la mienne à travers notre label.

Au delà des influences et de cette continuité musicale et visuelle dans laquelle j’ai voulu inscrire Unknown Pleasures il y a une volonté de remonter le temps jusqu’à retrouver l’essence même des sons que nous aimons depuis toujours et réhabiliter une esthétique qui trouve ses racines dans les labels que tu as cité auxquels je rajouterais Mute Records, Danceteria, Antler Subway ou Play It Again Sam. Bien entendu c’est une direction artistique que j’assume entièrement, que je partage avec mes artistes et sur laquelle je resterai toujours intransigeant. Mais cela comporte son lot de prises de tête avec certains musiciens qui font appel à moi pour publier un disque mais ne se rendent pas compte de ce que cela implique comme empathie, loyauté et sens du devoir. Ceci dit je sais ce que je veux et surtout ce que je ne veux pas sur UPR car c’est plus qu’un simple label de musique, c’est un manifeste, un sacerdoce, une famille. Le design des pochettes est très important, c’est l’image du label et les trois ou quatre graphistes qui font les artworks sont tous excellents chacun dans son domaine.

Je suis très sensible à la ligne musicale de ce que tu m’as présenté, au début des années 80 je traînais pas mal dans le Nord et en Belgique, par où arrivaient souvent en priorité les disques de Cure et consort, mais on allait aussi voir des trucs comme Front 242. Mais en même temps je ne ressens aucune nostalgie dans ta démarche : un peu comme si c’était juste la suite de l’histoire ? Ce que j’ai écouté me parait finalement mille fois plus contemporain qu’une grande partie de la production actuelle ?

Je déteste la nostalgie. C’est un sentiment morbide qui empêche les gens d’avancer et de considérer l’avenir comme une infinité de possibles. Avec la démocratisation du home studio – que j’ai longtemps saluée comme une salutaire avancée de la technologie portée par le fameux crédo Punk du Do It Yourself – nous nous retrouvons avec une saturation néfaste de l’espace musical. Trop de musique tue la musique !

Aujourd’hui n’importe quel charlot sans envergure est capable de faire un disque dans sa chambre avec un laptop et un autotune pour corriger sa voix sans jamais avoir touché un seul instrument de sa vie, et sans jamais avoir rien vécu de puissant qui lui permette de comprendre les vicissitudes de l’existence, les drames, les déceptions, les angoisses ou la colère que ce monde de fous peut générer en chaque être humain. Un artiste n’est pas un nanti ou un fils à papa hors du monde et embourgeoisé mais un être qui aime et qui souffre et transmet aux autres la poésie de sa souffrance ou de sa joie.

Un artiste qui a quelque chose de fort à exprimer vient d’en bas, de la rue, de la cave, d’un club enfumé, et avant de prétendre s’exprimer musicalement il se doit de procéder à une longue introspection dans les profondeurs de son âme. C’est cette histoire là qu’il va nous raconter, ce chemin initiatique qui l’a amené à créer des sons qui ont une force, une beauté, un sens, et pas des banalités de bobos en costard cravate qui se payent des machines comme certains collectionnent des Rolex ou des voitures de marque. Et c’est pareil pour tous ces DJ’s Traktor à deux balles qui pullulent sur internet et qui n’ont jamais acheté un seul disque de leur vie. Nous vivons aujourd’hui le degré zéro de la culture érigée en « modern way of life ».

Avec le recul et une certaine expertise de ces scènes musicales underground je me suis rendu compte que la grande majorité des petits groupes nés des vagues Electro Clash de la fin des 90’s ainsi que tous ces nouveaux musiciens Cold Wave et Minimal Wave issus de la vague dark des années 2010 se copiaient les uns les autres sans grande finesse. On trouve aujourd’hui un nombre incalculable de groupes qui se réclament de Joy Division ou de Front 242 et il existe un nombre infini de formations synthétiques, souvent des duos, d’une fadeur et d’une pauvreté musicale hallucinante qui ont pourtant leurs cohortes de fans incultes sur Facebook. Pour moi les gens qui essayent d’utiliser les mêmes sons de synthés, les mêmes effets et intonations vocales que leurs illustres prédécesseurs des eighties sans en avoir le talent et l’intention oublient que l’essentiel dans le Post Punk c’était l’attitude et pas la copie conforme.

Joy Division, DAF ou Kas Product avaient un son et une attitude. Lescop, Yan Wagner ou The Soft Moon n’ont ni l’un ni l’autre même si je préfère 100 fois entendre ces trois derniers que la mièvrerie effarante d’un Fauve, d’un La Femme ou d’un Aline.

Je ne supporte pas ce qui est obséquieux et consensuel aggravé par un manque de vision et d’originalité flagrant. Se réclamer de Kraftwerk, de Joy Division, de Depeche Mode ou de Johnny Cash ne fera pas de toi un grand artiste pour autant.

C’est ce manque de pertinence et d’honnêteté musicale qui a fini par lasser un certain public qui s’est peu à peu détourné de la nouveauté et s’est réfugié dans un confortable cocon nostalgique en écoutant ad vitam æternam les mêmes groupes phares de sa jeunesse. Et puis il y a les masses consuméristes insensibles et frustes pour qui la musique n’est qu’un fond sonore fonctionnel et secondaire.

Dans une société moderne obsédée par le jeunisme les pilleurs de tombe et autres plagiaires auront un million de fois plus de succès que les pionniers qui les ont inspirés (on connaît tous le cas Daft Punk mais la même chose s’est produite avec un Gesaffelstein récemment adoubé par Jean-Michel Jarre et érigé en demi-dieu de l’Electro dark mondiale alors qu’il a pillé la plupart des sons de DAF, Front 242, Nitzer Ebb, The Hacker ou Dopplereffekt). Le plagiat a encore de grandes heures devant lui, et la même farce se répète dans les sphères underground avec 80 % de ce que produisent les labels indés qui ne présente strictement aucun intérêt musical autre que celui de faire plaisir à des micro-niches d’un public de plus en plus restreint.

C’est contre cette uniformisation des tendances, cette cooptation intéressée et malhonnête et contre ces quelques cercles d’influence qui polluent le milieu de la musique que je me bat en publiant de bons disques qui toucheront les personnes qui savent faire la part des choses entre l’authentique et le faux produit marketing, qui savent faire la différence entre ce qui est intègre et ce qui est corrompu, et sauront toujours se placer du coté des vrais passionnés de musique et pas des arrivistes intéressés par la richesse et la petite gloriole éphémère. Bref je m’adresse à un public trié sur le volet, curieux, cultivé et réellement passionné. C’est ce public là peu nombreux mais fidèle qui contribue à la pérennité du label.

Mon seul souci c’est de positionner Unknown Pleasures Records dans une continuité autour de genres musicaux que j’aime et défends depuis 30 ans depuis ma base arrière dans le sud de la France. Ça ne m ‘intéresse pas de reproduire ce qui a déjà été fait en mieux il y a 30 ans mais je tiens à donner à notre public la possibilité de connaître ce qui se fait de mieux aujourd’hui dans des styles musicaux qu’on croyait morts ou disparus alors qu’ils n’ont jamais cessé d’exister loin des médias et des projecteurs que certains manipuleront toujours mieux que moi.

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Je ressens également une grande liberté dans ta démarche, j’allais écrire intégrité : c’est compliqué à tenir ?

Oui c’est compliqué parce que tu te confrontes tous les jours à un univers dénué de toute forme de rêve, de vision et de beauté et qu’il est difficile de revendiquer aujourd’hui une musique née d’une uchronie qui se diffuse dans une univers parallèle dans les strates de l’inframonde, mais qui n’est plus considérée comme ce mouvement visionnaire de la fin des années 70 qui aura modifié génétiquement la manière de faire du son jusqu’à aujourd’hui. Je suis autant fan de Fad Gadget que d’Yves Adrien qui écrivait dans Novö Vision « l’Art est lugubre », assertion à laquelle j’aurais rétorqué si je l’avais eu en face de moi « Oui. Et assumons le ».

Les médias musicaux classiques épris de jeunisme et de parisianisme consanguin ignorent tout ce qui vient de province et considèrent des labels comme le notre avec un certain mépris alors qu’ils encensent des musiques fonctionnelles comme la Techno qui a pourtant vendu son âme bien plus rapidement que n’importe quel autre mouvement musical. Ma liberté c’est surtout de ne dépendre de rien ni de personne pour faire avancer ce label vers une reconnaissance suffisante, loin de toute hype puante, qui permettra à mes artistes de tourner le plus possible et de faire preuve de leurs talents sur scène. La plupart d’entre eux sont d’excellents musiciens qui savent jouer d’un ou plusieurs instruments et leur particularité c’est qu’ils n’attendent rien de personne et considèrent leur création comme quelque chose de vivant et sensible.

Alors même avec la plus mauvaise foi du monde personne ne pourra dire que notre label surfe sur des vagues ou des tendances revival car ça fait 30 ans que je suis actif dans ce milieu d’un coté comme de l’autre, en tant que DJ, organisateur, artiste et aujourd’hui patron de ce petit label.

Quel regard tu portes sur l’industrie et la production musicale d’aujourd’hui ? Beaucoup de projets, ça part dans tous les sens, on pousse des jeunes qui ont tous la même tête et ne produisent pas grand chose d’original : comment exister dans ce contexte ?

Le monde est saturé de gens qui veulent leur quart d’heure de gloire. On retrouve cette forme d’opportunisme et de jeunisme un peu partout. Quand je vois toutes ces personnes qui sans n’avoir jamais rien fait veulent à tout prix devenir célèbres et gagner de l’argent en produisant de la merde ça me fait doucement ricaner.

En bossant avec d’anciens grands noms de la musique électronique, industrielle ou cold wave je me suis rendu compte qu’ils étaient la plupart du temps bien plus accessibles, ouverts et professionnels, que certains types plus jeunes qui n’ont comme seule obsession que de voir leurs tronches sur les couvertures des magazines sans jamais avoir prouvé quoi que ce soit d’autre que leur talent à retourner les vestes.

Le vrai problème c’est qu’il y a trop de musique aujourd’hui et le pillage, le manque de vision, la médiocrité artistique de techniciens studio qui se prennent pour des compositeurs, … fait que nous sommes arrivés à un appauvrissement de la musique elle même. Même dans les sphères Post Punk la banalisation des clichés avec tous ces groupes à synthé, la voix passée à la réverb et des textes à la mort moi le nœud fait que nous retombons dans les mêmes travers de caricature, de virtuosité vaine et d’ennui qui a poussé les Punks d’antan à mettre un coup de pied dans la fourmilière rock à la fin des 70’s. Exister dans un tel contexte est difficile, mais s’arrêter de créer c’est abdiquer.

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Je garde en mémoire cette réponse d’un chanteur me rappelant qu’il y avait au moins autant de nullités dans l’auto-production et l’indie que dans les sorties labellisées : tu en penses quoi ?

Dans les genres qui m’intéressent il y a eu de très bonnes choses qui sont sorties de la scène européenne indé ces dix dernières années comme Position Parallèle, Trentemoller, Scratch Massive, Linea Aspera, The Kvb, Rubin Steiner, Velvet Condom, In Death It Ends, Black Egg, In Broken English, John Lord Fonda, Gazelle Twin, Ash Code, Kangding Ray, Soap & Skin, Mondkopf et des artistes bien moins connus mais néanmoins brillants comme Theremynt, Veronika Nikolic, Hausfrau, Sonic Area, Zarkoff, Press Gang Metropol, Waterwalls, Follow Me Not, Love In Prague, MelanoBoy, Japan Suicide, This Grey City, Maman Küsters comme on trouve aussi des formations bien plus jeunes dont les premiers albums ont eu un certain succès d’estime dans les milieux underground de la darkosphère internet mais dont l’intérêt visuel et musical en concert me laisse dubitatif (Lebanon Hanover, Minuit Machine, Peine Perdue, Cold Colors).

Et comme toujours on trouve également des opportunistes sur des labels indés surfant sur l’engouement qu’aura suscité la vague Retro/Minimal Wave de ces dernières années comme ce duo bordelais Violence Conjugale, que la presse musicale encense dans un certain consensus suspect comme c’est le cas pour tout produit estampillé Born Bad, label respecté et respectable jusqu’à la signature de ce faux groupe belge 80 fondé par un escroc mythomane notoirement connu dans notre milieu.

J’ai aussi beaucoup de mal à comprendre aujourd’hui l’intérêt de tous ces groupes Electro Pop uniformes montés par des cadres sup’ ou des fonctionnaires de l’éducation nationale qui collectionnent des synthés comme on collectionne des timbres et dont le seul hobby du dimanche est de faire une sorte de synth pop clinique et sans âme qui suinte l’infatuation dans la voix et le vernis Ikea d’une production mathématique et froide que l’on trouve par exemple sur certains labels comme Boredom Product qui avait pourtant défini un format Electro Pop fort intéressant à ses débuts.

Et puis dans le fond du fond il y a des choses extrêmement mauvaises qui se revendiquent comme faisant parties de la scène Synth Pop mais produisent en réalité une sorte de soupe eurodance Fm chantée de manière scolaire comme les inénarrables Waiting For Words par exemple et des tas d’autres groupes médiocrissimes venus de labels comme Alfa Matrix dont la pauvreté musicale est à l’image du public à qui ils s’adressent.

Heureusement les vrais mélomanes ne sont pas dupes, et la seule preuve de l’acuité musicale d’un groupe reste sa capacité à vendre des disques (même si ce ne sont que de séries limitées à 500 exemplaires) et à remplir des salles (même si ce sont des petits clubs de 200 personnes) ce qui est bien plus révélateur de la pertinence musicale intrinsèque d’un artiste que ces lots de vues, de likes et de followers achetés par certaines agences de booking ou labels pour faire croire à une notoriété qui n’est que virtuelle et souvent artificiellement maintenue à coup de gros chèques pour se payer des pages de pub et d’interviews dans les magazines musicaux qui tiennent le haut de la hype parisianiste.

La réalité c’est que nous en sommes bientôt à notre quarantième sortie et que nous avons vendu un peu plus de 9 000 disques entre janvier 2014 et aujourd’hui. La réalité c’est qu’un tiers de nos publications est épuisé et que nous avons du retirer à deux reprises celles qui ont le mieux fonctionné. Tout le reste c’est du verbiage de journaleux corrompu qui ne trompera que les naïfs et les idiots utiles d’un système qui voudrait faire croire à tout le monde que n’importe qui aujourd’hui est susceptible d’avoir son quart d’heure de gloire grâce à la technologie et aux réseaux sociaux.

Tu te sens militant à ta façon ou tu fais ça pour le plaisir, sortir des disques que tu aimes et que tu as envie de faire écouter ?

Un peu des deux mais je cherche avant tout à donner une chance à de jeunes musiciens de présenter leur œuvre sous les meilleurs auspices en tenant compte de mon expérience et de mon regard intransigeant sur des styles que je connais du bout de mes doigts. Par la suite une fois ma mission accomplie ce sera à eux d’aller défendre leur album sur scène et de montrer à leur public ce qu’ils ont dans le ventre.

Depuis une bonne décennie nous sommes immergés dans une revival 80 perpétuel qui n’en fini jamais de ressasser et se répéter en attendant le messie qui ouvrira à nouveau les chakras du grand public Music for the masses 2.0 . A cause de ce lot d’opportunistes, de copieurs médiocres et de plagiaires caricaturaux, que j’appelle les « charlots de l’electro », beaucoup d’artistes de talents sont occultés, oubliés et noyés dans cette merdasse informe que l’on nomme Electro, Pop ou Rock Indé. Pas mal de ces opportunistes que j’exècre arrivent à tirer leur épingle du jeu en jouant avec les étiquettes les plus communes selon les sons en vogue (Synth Wave, Dubstep, Punk Garage, Math Rock…) à telle ou telle période avec comme complices ces cercles parisiens qui parlent toujours des mêmes têtes à claques et des mêmes labels qui ont totalement phagocyté les médias au point de ne laisser aucune place aux artistes qui ne sont pas du sérail ou se refusent à lécher des culs.

Ma « mission » n’a rien d’héroïque mais même si je ne suis que très peu visible comparé aux cadors de la scène musicale actuelle , je n’aurais de cesse que d’essayer de remettre un peu de vérité et de justice dans cette pièce de théâtre mal jouée qu’est devenu le milieu des musiques indés en France. Et même si le combat est perdu d’avance et que d’aucuns diront que je me prends pour une sorte de chevalier blanc qui radote depuis toujours la même rengaine (rires) je continuerai à taper du poing sur la table. Au moins je l’aurais fait, car pour moi l’action prime sur la parole et si ma grande gueule pouvait permettre de faire réfléchir une infime partie du public ce sera déjà ça de gagné.

Quels sont tes derniers coups de cœur musicaux ?

Pas mal de choses que j’ai signé mais pas forcément, il y a de superbes albums qui sont sortis récemment comme ceux d’Agent Side Grinder, Black Egg, Nadine Shah, Gemma Ray, Dominik Nicolas, Black Angels, Beach House, Emika, Kasper Bjorke, Visonia, Bruta Non Calculant, John Carpenter, Ancient Methods ou Tanz Ohne Musik. Mais je ne dispose plus d’assez de temps pour écouter tout ce que désire avec le label, et puis l’écoute des nombreuses démos que je reçois est assez chronophage.

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Il y a d’autres labels, d’autres producteurs, d’autres démarches que tu apprécies dans le milieu ou tu te sens seul ?

Hélas on retrouve souvent dans pas mal les mêmes travers que sur de grosses structures, manque de discernement, appât du gain, envie de signer des choses qui s’inscrivent dans des tendances ou en fonction de modes issues de l’underground ou de la rue et qui seront à leur tour récupérées par le système médiatique et consumériste pour en faire des produits bankables que le public pourra aisément identifier, reconnaître et digérer avant de passer au buzz suivant.

On a bien vu comment la Techno qui a pourtant démarré dans les downtowns de Detroit s’est retrouvée amadouée par le fric, corrompue par le système, récupérée jusqu’à qu’elle perde sa raison d’être initiale , et qu’elle devienne en moins de 15 ans un fond musical fonctionnel pour vendre des voitures, des fringues de marque ou du gel pour cheveux.

A part un label industriel ultra pointu comme Galakthörro et des maisons intéressantes comme Space Factory, Mannequin, Dark Entries, Hau Ruck ou Aufnahme Wiedergabe il n’y a pas tant que ça de label que j’apprécie en 2015, d’ailleurs c’est justement parce que je me sentais un peu « seul » pour défendre une certaine vision affectée et mélancolique de la musique que j’ai lancé UPR.

Peux-tu nous dire quelques mots de quelques projets du label : Love in Prague, Adan & Ilse dont tu fais partie ou tout autre que tu voudrais présenter.

Adan & Ilse est un duo qui résulte de la rencontre artistique assez unique entre Usher de Norma Loy et moi même autour d’une envie de création New Wave qui a évolué et grandi sur 4 albums en 3 ans. Le nouveau Chirurgie Plastique prévu pour début 2016 est quasiment achevé. A cause de fortes divergences musicales nous avons viré l’ancien technicien avec qui nous bossions depuis le début et essayé de bosser avec un nouveau qui n’a pas fait l’affaire non plus. Du coup nous avons fini le disque à deux, Usher et moi, l’un à la compo et aux machines et l’autre à la voix et au sound design. L’album va être envoyé au mixage sous peu en Belgique chez Paul Fiction de Str8line Record.

D’autre part je conseille aux fans de cold wave et de Nico du Velvet Underground d’écouter ou visionner les clips de notre sublime petite hispano écossaise Hausfrau venue de Glasgow. Beaucoup de gens apprécieront également ces jeunes découvertes d’UPR que sont MelanoBoy ou Waterwalls bien plus pop que cold. Pour les fans du son belge de la fin des années 80 je conseille vivement l’excellent dernier album Ne du chanteur de Neon Judgement sous le pseudo de son projet Neon Electronics avec la producteur Radical G et le premier album du producteur croate Zarkoff qui compose une chouette electro pop avec des guitares post punk rappelant a la fois The Sounds, Simple Minds, Billy Idol ou Sisters Of Mercy ou le premier LP d’Alek Drive (jeune producteur techno dans la veine de Gesaffelstein). Dans des sphères plus shoegaze et pop goth nous avons Japan Suicide, Love in Prague et Follow Me Not, et pour les aspects plus expérimentaux indus/musique concrète façon GRM nous avons Normotone et Fluxus. Puis le sommet de notre catalogue matérialisé par l’album folk de Black Egg Songs of death and deception et le retour annoncé de Norma Loy en studio en 2016 pour un nouvel album sur Unknown Pleasures Records.

Quelles sont les prochaines sorties prévues, les projets ? La suite c’est quoi ?

Une compilation retrospective du fameux producteur électro David Carretta est prévue en décembre chez nous, j’adore ce qu’a fait ce pionnier de la techno depuis l’époque où il a lancé sa carrière sur le label International Deejay Gigolo Records de Dj Hell (Vitalic, Miss Kittin & The Hacker, Fischerspooner), c’est un vrai régal pour les dancefloors. Ensuite un album sublime de Follow Me Not qui sort en janvier et que les fans de Jesus And The Mary Chain, The Cure ou Echo & The Bunnymen vont adorer. Suivi en mars par le premier album d’un fantastique duo breton qui oscille quelque part entre DAF et Gainsbarre, leur patronyme est Maman Küsters et ils sont soutenus par des gens comme Marc Collin de Nouvelle Vague ou Terence Fixmer.

Puis l’album d’Adan & Ilse vers février qui signera l’arrêt définitif du projet avant le retour inattendu de Norma Loy en studio pour un nouvel album Baphomet très attendu par les vieux fans de l’époque Jeunes Gens Modernes. Ce sera celui là le vrai événement du label courant 2016 avant de stopper le rythme des signatures et de m’occuper d’organiser des tournées pour tous nos groupes.

Merci en tout cas pour tes questions et le soutien de ton site aux musiques déviantes et différentes.

Merci Pedro.


Liens du label Unknown Pleasures Records

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