Chronique – Garden With Lips – La voix de mon rêve.

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Voilà encore une chronique qui a pris son temps.

De nombreuses semaines que les collages étranges et intimes de Gildas Secretin aka Garden With Lips jouent avec mes neurones, des semaines que ces chansons faussement nonchalantes, entêtantes et joyeusement surréalistes résonnent dans mes oreilles saturées de sons parfois trop forts, trop semblables, trop ternes. Mais le temps passe et les mots ne viennent pas. Et pourtant, il y a tous ces sons, ces bruits, ces rythmes triturés, découpés, mâchés, collés qui s’incrustent discrètement dans les moindre recoins de mon disque dur interne et y font leur nid. Il y a cette voix grave et chaude, qui à la façon d’un hypnotiseur prend son temps mais gagne à tous les coups, la voix proche et complice d’un ami imaginaire, d’un double qui tenterait de remettre de l’ordre dans le fatras de pensées pas toujours cohérentes qui se bousculent dans ma tête. Comme si quelqu’un avait décidé d’essayer de faire un peu de tri dans mes rêves et d’en extraire une impossible logique.

Car derrière le minimalisme apparent et le lo-fi plus ou moins proclamé de La voix de mon rêve, se cache un univers luxuriant et onirique, un jardin d’Eden musical implanté quelque part en haut d’une montagne asiatique ou au milieu d’une île certainement pas déserte. Où alors simplement installé au milieu de nos nuits, de nos errances inconscientes. Un parc étrange d’où émergent sans cesse tous ces bruissements, frémissements, et tous ces accords, comme l’écho d’un monde lointain souvenir de voyages exotiques ou intérieurs et familiers, un lieu dont je ne sais pas s’il est réel ou fantasmé. Il y a ces guitares, ces maracas, ce xylophone, et les autres qui tournent et tournent en boucle. Il y a cette voix qui revient, voix off de mes propres obsessions, voix off vénéneuse car amicale. Je ne sais toujours pas si cette voix est ange ou démon. Démange probablement.

Peu à peu le voyage s’emballe, se fait parfois pop pour prendre la mer, alors on embarque avec Garden With Lips car ce curieux et somptueux mélange d’inconnu et de familier, cette façon si personnelle de nous raconter ses (nos ?) histoires, de nous livrer sa délicate et parfois triviale complexité nous intrigue, nous étonne, nous ouvre l’appétit. Alors on y revient, on recommence au début, on y retourne bien décidés à y voir plus clair. Et on se fait avoir comme la première fois, et la deuxième. Et les suivantes. Et c’est ainsi que les mots viennent, repartent dépités de n’avoir pu mieux faire mais convaincus que la prochaine fois, tout sera limpide. Ou pas.

Beau et singulier voyage musical.

Matthieu Dufour

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