Chronique – Garden With Lips – Pélissandre.
C’est le printemps.
Enfin.
Officiellement et dans les rues.
Il faudra encore quelques jours, quelques semaines peut-être, pour libérer nos cœurs ankylosés de leurs peines embrumées et nos corps au ralenti de leurs toxines hivernales.
En attendant, le jour a renoncé à ses grasses matinées, les arbres se couvrent de blanc, de vert, de rose, les pétales sortent en pagaille après cette longue incarcération contrainte, les bières fleurissent en terrasse et les oiseaux urbains aux poumons cramés s’en donnent à cœur joie.
Renaissance.
Pour accompagner cette résurrection annuelle, rien de mieux que Pélissandre, le nouvel album du discret, mais talentueux Garden With Lips. La première chanson du disque (tube potentiel, disons-le franchement), Face le monde, donne le ton d’un album qui sera plus pop, plus immédiat et plus ouvert que les précédents. Une ouverte incarnée par la présence de Gisèle Pape (voix) et de Joseph Bertrand also known as Centredumonde (guitare). Sans renoncer à tout ce qui fait sa singularité (exigence d’un travail sans coutures apparentes, sens de la nuance et de la mélodie, recherche de textures nouvelles, collages sonores méticuleux, singuliers, parfois surréalistes), l’artiste s’autorise à laisser entrer plus de monde dans son jardin privé. Mais là où tout est élégance, bon goût, douceur apparente, bonté caressante, chaleur de la mélancolie partagée, éloge des plaisirs simples, l’auditeur curieux et attentif saura découvrir dans ces allées intimes quelques épines et racines vénéneuses. Même plus évidente, la musique de Gildas Secrétin garde en effet sa part de mystère et sa fausse nonchalance.
À la manière d’un Biolay, Garden With Lips construit la bande originale de sa vie sans trop se soucier des tendances du moment. Hermétique à toute tentative de s’accrocher à quelque nouvelle vague éphémère, il manie le sécateur comme personne et pioche à droite à gauche selon ses goûts et ses humeurs : évidence pop, douceur folk, poésie de la chanson, échos rythmiques du passé, électricité contenue, … Peu importe les références pourvu qu’on ait l’ivresse. A l’image de ses collages graphiques, il compose des pièces uniques avec la patience et la passion d’un artisan qui a la vie devant lui. Une vie dont il compte bien profiter encore longtemps malgré les incertitudes d’un monde en décomposition. Profondément accueillant et bienveillant, Pélissandre est un remède à la morosité ambiante. Un album qui sonne comme une invitation à chercher encore.
Face le monde, Mare Nostrum, Beaux et fiers, L’espace c’est toi, … : une collection de morceaux à chantonner dans la rue, des chansons hypnotiques à fredonner comme des mantras pour tous ceux qui veulent encore y croire, une suite de ritournelles ajustées à nos cœurs qui ne demandent qu’à battre un peu plus fort en apercevant à contrejour ses courbes imprécises ou en effleurant une mèche électrique au détour du comptoir.
Riche d’impressions fugitives, la musique de Garden With Lips accueille et accompagne la mélancolie au lieu de tenter en vain de la chasser. Sensuelle, elle possède la douceur euphorique des premières minutes de l’ivresse, le charme suranné d’un premier baiser maladroit mais frénétique, la grâce elliptique d’une histoire trop courte, la magie inspirante d’une nouvelle rencontre.
Mais comme d’habitude chez Garden With Lips rien n’est imposé, rien n’est grossier, rien n’est péremptoire. Tout est subtil, suggéré. Écoutez, vous verrez.
Pour moi, c’est tout vu.
Déjà disque du printemps.
Haut la main.
Hauts les coeurs.
Garden With Lips – La vie de court
Garden With Lips – La voix de mon rêve
Garden With Lips – Pélissandre – Sortie le 29 mars 2019 chez L’Église de la Petite Folie
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