Chronique – RANK – Plan Your Downfall.

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Une ville grise, métallique, anguleuse, à la merci de la poussière et des hors-la-loi, des démunis revanchards, des anciens puissants en fuite. Une mégalopole comme chez Bilal, sans lois ni règles, balayée par des vents contraires, froids et cinglants. Une cité post-apocalyptique plongée dans une obscurité permanente et poisseuse, et là, au milieu du chaos mourant, sur les ruines de l’ancien régime, dans les tranchées et les caves abandonnées, une poignée de pionniers tente de reconstruire une ville, une vie. Portés par une nouvelle vision, il veulent faire table rase, réinventer demain en ne gardant d’hier que leurs convictions et leurs doutes. Du fond des souterrains enfumés, depuis les hangars éventrés, des docks mal famés monte une mélopée lancinante, une musique forte et coupante, des hymnes héroïques, bravaches, des mélodies sans concession. La bande-son de la renaissance, du nouveau monde. Une nouvelle vague électrique puissante, des chants de rage et d’espoir mêlés, des cris de colère et d’envie retrouvées. Des hymnes épiques. Et au-dessus, dans le ciel plombé, des nuées de corbeaux déplumés.

Lyon la discrète, celle des demi-mots et des non-dits, celle des appartements feutrés de la Tête d’Or et des secrets bien gardés, celle des arrière-salles des brasseries et autres bouchons, l’ancienne capitale des Gaules est aujourd’hui violentée, secouée par des secousses telluriques intenses et métronomiques. Qu’elles soient psychédéliques (Odessey & Oracle), martiales (Mensch), électro-électriques ou post-punk avec l’excellent label Automate Records, ces pulsions artistiques font école et s’ouvrent à d’autres. Pour notre plus grand bonheur. Comme leurs collègues de EAST, ou la future claque Tisiphone, RANK secoue l’underground d’une ville centriste par excellence en radicalisant le propos et en montant sérieusement le volume. Puisant dans la tradition d’un post-punk intègre et sombre, RANK n’hésite pas à convoquer des esprits plus contemporains et plus atmosphériques pour alterner cocktails molotov explosifs à pogoter et descentes mélancoliques belles à chialer. Un sens de la mélodie indéniable, une puissance de feu plutôt impressionnante (mais toujours maitrisée et jamais gratuite) et une énergie euphorisante : leur deuxième album est rempli de morceaux à écouter à fond et tout schuss. Assez vite, les pulsations de votre cœur vont s’affoler c’est normal. Mais pas de panique, c’est bon pour votre sérotonine. Si chez RANK il y a de la nostalgie, elle n’est qu’hommage, pas soumission, et elle est vite débordée par une volonté de parler de notre époque et une envie rejoindre la ligne d’horizon et les lendemains incertains… Les traboules tremblent et Guignol ne fait plus le malin. RANK déboule et ne compte pas s’arrêter là.

Matthieu Dufour



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