Pauline Drand – Showcase La Fabrique Balades Sonores (22 octobre 2015).

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Lorsqu’une musique aimée s’incarne enfin, quand une mélodie devient réalité, que les mots prennent corps, que les notes deviennent chair, il arrive que la déception soit au rendez-vous. L’émotion d’une chanson écoutée en boucle (comme on s’accroche à un amour en cavale) s’est alors échappée. Trop d’attentes, des projections trop personnelles, des fantasmes déraisonnables. L’imagination possède une puissance incroyable mais perverse. Parfois, c’est la voix qui ne tient pas ses promesses, une personnalité en décalage avec l’univers musical proposé. Parfois il arrive que la magie s’envole.

Rien de tout cela chez Pauline Drand, bien au contraire. Chez elle tout se tient, tout est cohérent car rien n’est faux. Pas de tricherie, pas de tromperie sur la marchandise. La seule surprise finalement c’est peut-être le décalage entre la frêle jeunesse de l’artiste et la maturité de ses textes, de cette écriture singulière, la maturité de sa voix qui raconte des choses que son âge ne devrait pas encore connaitre. Le live (surtout dans un cadre aussi intime et proche que celui des Balades Sonores) permet de mieux apprécier ce qui la différencie de la nuée des « chanteuses à guitare » : l’émotion nait du don de soi et de la sincérité de la démarche. Elle est là, entière, généreuse, sans calcul, sur la pointe des pieds quand les premiers accords entêtants d’Aéroport retentissent au milieu des vinyles et autres livres, cette musique n’est plus alors une simple essence abstraite mais un univers habité par la chanteuse qui incarne avec douceur et nuances ses compositions à la fois denses et délicates, poétiques et lucides. Devant un public de fidèles et quelques néophytes, elle joue des titres de son double EP Édition rouge dont les merveilleux Aéroport et Pont-Neuf et des chansons de son futur album. C’est plein d’élégance, de grâce et de musicalité. Pauline commence à peine sa carrière, mais elle possède déjà une belle avance et ce petit supplément d’âme. Cette présence, cette aura qui illumine ceux chez qui l’art n’est pas une posture mais une nécessité. Ceux qui ne cherchent pas à « devenir artiste » mais le sont, mélange de talent et de travail, ceux qui ont dans les tripes ce besoin vital et cette ambition de bâtir une œuvre plutôt que de courir après le buzz. Je suis intimement persuadé que celle de Pauline Drand sera belle et grande.


 

Matthieu Dufour


Chronique du double EP Edition rouge


 

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