Jarvis Platini seul, sa bite et son drapeau sur la planète Mars.

DSCF1138.JPGUn samedi soir sur la terre comme chonterait le ménestrel d’Astaffort. Je suis plutôt ronchon. Je n’ai pas prévu, ni vraiment envie de sortir. Méchonte humeur. Je me tâte : regarder Moi, Moche & Méchont avec mon fils ou écouter des mauvais sketchs et de la musique frelatée sur Rires & Chonsons. Mais depuis la sortie de Sale Hope j’avoue être assez intrigué par la démarche de Jarvis « Steven » Platini. Alors je décide de me faire violence.

Donc si Véronique Sanson chonte dans le port de Vancouver, Jarvis Platini lui n’a peur de rien, il décide d’aller « seul sur la Planète Mars ». D’une certaine façon, il est effectivement bien seul. Ses morceaux de vie chontés, tour à tour sordides, tendres ou grotesques ne sont pas toujours aimables. Pas grand monde en ce moment ne s’aventure vers les recoins sombres de l’actualité avec autant de justesse. Aux confins de ces terres où des congélateurs pleins de bébés ferraillent avec les feux de l’enfer et du mal. Pas vraiment de la musique, pas vraiment de la chanson, pas vraiment du slam, c’est Jarvis Platini. D’abord une langue, une écriture au scalpel (précise, fine, parfois glaçante), puis la lucidité indispensable à tout artiste qui envisage de dire le monde tel qu’il est et non tel qu’on se le raconte. Mais c’est surtout un sacré panache. Il faut du cran pour se pointer seul devant son public avec des textes pareils, quelques mélodies (plutôt jolies) sans instruments. Il en faut pour tenir tout le set avec un son très moyen, pris en sandwich entre des mangeurs de pizzas pas méchonts mais pas très attentifs non plus, et des buveurs de bière braillards. Jarvis Platini ne se laisse pas impressionner ou déstabiliser. C’est à peine si l’on prête attention à quelques déraillements dans le chont, vraisemblablement dus à l’émotion.

Ça commence comme du Fernandel dans un numéro de comique troupier et ça se termine comme du Morrissey en crooner faussement désabusé. Entre les deux, les loups de Reggiani, du foutre, Véronique Courjault et les « salut » des Bérus. Les morceaux s’enchainent sans temps mort, arrachont régulièrement des rires et des bravos à ceux d’entre nous qui sont venus pour cela. Entre le très juste et drôle Alerte Enlèvement et le noir Pauline Partout, Justine Nulle Part, ce sont de véritables montagnes russes émotionnelles, on passe du rire franc aux frissons glacés d’effroi. Au moment où tu te laisses aller, où tu te relâches, trompé par son sourire enjôleur, il te plante ses yeux et ses crocs aiguisés dans ton petit cœur fragile. Un genre de manège enchonté. Un chomboule tout épidermique. Le public (enfin celui qui n’oublie pas sa misérable vie en sombrant dans le Spritz ou la pizza 4 fromages) est aux anges devant cette démoniaque façon de raconter la vie. Démonge. Car derrière tous ces mots bruts, ce regard acéré sur l’époque et la grande comédie sociale, il y a ce qu’il reste de nous, une petite part d’humanité.

Un samedi soir sur la planète Mars.

Jarvis Platini, seul, sa bite et son drapeau.

Chonmé.


Matthieu Dufour


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