La cinquième saison de 2015 par Greg Bod (5/7).
« Look up here, I’m in heaven
I’ve got scars that can’t be seen
I’ve got drama, can’t be stolen
Everybody knows me now »
Une année s’achève quand les résolutions prennent du plomb dans l’aile, quand les résolutions s’endeuillent.
Quand les » je ferai différemment » se transforment en « peut-être que ».
Quand le gui n’a même pas encore fané, quand le sapin n’a pas encore fini sa vie sur un bord de trottoir entre le trivial des containers à déchets et la tristesse des cadeaux avariés ou déjà cassés.
Une année, c’est un état d’âme, le défilement inéluctable des saisons. Le soulagement attendu de la fin d’un hiver bien trop long, la première caresse du soleil sur la peau nue, le premier émerveillement naïf en redécouvrant ces paysages mille fois vus, ce petit coin à Toulbroch non loin de chez moi sur le bord de côte tout à côté de Brest.
Une année , c’est des saisons qui se suivent et qui ne se ressemblent pas. La morosité du plein hiver, la timidité emportée du Printemps, les premiers corps dénudés d’avril.
Une année, ce sont des rites qui rassurent et qui accompagnent, qui nous voient vieillir.
On trouve parfois de la lumière sans vraiment la chercher, sans y croire.
Alors que l’on se vautre dans la non-envie, pendant ce temps-là, la vie continue du côté de Lancaster, Pennsylvanie. Les nuits y sont douces et bruissantes. Nos chambres sont parmi les arbres, le printemps écrit au fronton de nos portes.
La musique elle aussi est 4 saisons, la douceur mélancolique d’un Sylvian aux arbres brillants et aux feuilles de rouille, la glace installée et imperméable de la sécheresse de Mendelson. L’envie de regain, de rebond de Curtis Mayfield et la tranquille assurance de Paul Weller ou d’Antonio Carlos Jobim.
Et puis, il y a la saison de Karen et Don Peris et les leurs de The Innocence Mission. Une saison qui se joue et rit de la couleur de l’herbe, des bourrasques ou des vagues rafraîchissantes.
Leur saison à eux ne choisit pas entre la mélancolie, cette saudade éclairée et la joliesse d’un sourire. Leur saison à eux, c’est celle des comptines sur ces vieux pianospatinés par le temps.
Une bien étrange sphère éphémère. Me vient en les écoutant cette image de ces vieux couples au bout du voyage qui ne se reconnaissent plus, qui ont fini par s’oublier l’un et l’autre sans jamais perdre la tendresse de leurs gestes l’un pour l’autre.
Car la mémoire n’oublie pas le geste, car elle peut devenir aveugle, jamais elle ne perdra le goût de la caresse.
Et il y a la voix de Karen Peris qui , à elle seule, vous donne envie de croître en les autres plus qu’en vous même.
Chez The Innocence Mission, rien ne change, tout est à l’identique, immuable, familier et accueillant. Quiet, tendre et apaisé comme toujours.
Tout est identique mais jamais redondant, jamais répété. La faute à la fraîcheur, à la lumière du chant de Karen Peris.
La musique de The Innocence Mission, c’est comme l’équilibre fragile de quelques éléments qui installent d’infimes molécules de bienveillance.
Musique spirituelle et sincère, vibrante.
Car il faut beaucoup d’humanité pour être tendre sans être mièvre, pour être soyeux sans être sirupeux. Que ceux qui souhaitent être bousculés passent leur chemin car ici, il n’est pas question de déranger ou de nuire mais de vous envelopper dans un coton doux et léger. Car Karen et Don Peris n’ont jamais déçu, car The Innocence Mission est bien injustement méconnu en nos contrées alors que tant d’opportunistes proposent un Folk sans saveur et sans émoi.
Découvre enfin cette cinquième saison belle comme le sourire et la voix de Karen
Avec Summer et Hot Servitude mené par l’excellent Jean Thooris, c’est l’exact opposé de The Innocence Mission. Ici, l’envie est à trouver un nouveau vocabulaire, une nouvelle expression. Une rugosité loin des discours tièdes et moralisateurs quand ils ne sont pas réducteurs. Force et frontalités sont les mots essentiels de ce projet… Economie des effets et suggestion de ce que l’on ne peut dire.
Exact opposé de The Innocence Mission ?? Pas si sûr car derrière l’évidente hargne se cache une fragilité presque tue, presque secrète. Une pudeur comme un acte libertaire…
Quand autour de nous s’étalent les mots sans contenu ni contenant, quand s’étalent les médiocres et les suffisants dans nos quotidiens. Quand encore plus s’appauvrit le spectacle pour n’en laisser bientôt plus que l’emballage.
La liberté est chez toi, Jean comme en quelques autres qui déconstruisent pour mieux déconstruire et déconstruire.
Retrouvons nous dès demain pour poursuivre nos déambulations au cours de l’année défunte.
« Ondes… ondulations
Charniers passifs
Verdures aquatiques
Transparences cannibales
Narrations perdues
Intuitions dévoilées
Sculptures au plâtre sec
Désarticulés
Démembrés
Patinés
Innervés
Atone… atome…
Enragé..
Entravé
Arboles
Tréfonds
Bas fonds
Anastasie
Hilare et en retard
A contre temps
A pas de deux
A pas de côté
Enlacés
Poutres détournées
Améthyste adorée
Les liquides étanchés
Rien de plus
Œdipe et cyclope
Rayés et ratés
Les vapeurs sur les fleuves
Branches inhabitées
Les bas qui cachent le purpura
Flammèche
Ça et pus encore
Enroué
Faiseur de pluie
Saccagé
Déraillé
Eternel décadent
Suppure… soupire
Ferme les yeux
Ferme les yeux »