Live Report – Katel – Les Trois Baudets (26 janvier 2016)

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Je suis d’abord rentré dans l’univers de Katel par son travail de production. Pour un profane comme moi, ce job paraît assez mystérieux, flou. Mais, que ce soit sur le très séduisant album de Maissiat, petit bijou langoureusement épique, ou sur le disque superbement vénéneux de Robi (Chronique à (re)lire ici : La Cavale), j’y avais trouvé ce petit supplément d’âme qui fait la différence entre le trivial et le singulier. Un je-ne-sais-quoi d’élégance, quelques ombres animées, un souffle discret mais constant, une logique, une unité dans les détails, permettant de souligner un peu plus le relief, la singularité et la matière des artistes en question. J’étais donc impatient de voir ce que Katel devenait lorsqu’elle passait de l’ombre à la lumière, qu’elle montait au front

Dès les premières notes, une évidence s’impose (et peut expliquer son succès de productrice) : l’artiste irradie. Elle possède un charisme évident, une espèce de douce densité, la force tranquille de ceux qui n’ont pas besoin d’en rajouter pour se faire entendre. Il suffit d’observer un instant les regards de ses quatre complices de scène (Skye, Diane Sorel, Nathalie Réaux et Claire Jospeh, toutes à l’unisson de ce très joli moment) entre les minces filets bleus qui découpent le sombre espace et tracent une toile d’araignée dans laquelle nous sommes vite engeôlés. Tout en étant extrêmement concentrées sur leurs partitions respectives, elles ont l’air subjugué des amoureuses insouciantes, leurs yeux pétillent et leurs sourires sont larges, confiants. Katel semble être de ceux qui permettent aux autres d’aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, où qu’il soit enfoui.

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Première rencontre au Pan Piper en décembre dernier. Puis hier soir aux Trois Baudets. Deux fois, ce n’est pas excessif pour apprécier pleinement tous les détails de ces moments de beauté chantée. Dès les premiers mots une forme de magie opère, une émotion encore diffuse comme surprise elle-même d’arriver ainsi, délivrée de ces chansons à l’apparence formellement classique. Une émotion étonnée de sortir ainsi des tenailles de la rigueur et de la richesse qui se cachent dans les coulisses de ces compositions denses, ces chansons à la fois épiques et douces. Un travail d’orfèvre équilibriste. Hier soir l’émotion était supérieure : la salle, le son, le public, je ne sais pas.  En permanence sur un fil, entre précision et émotion, souffle épique et douceur, sobriété et richesse, Katel embarque la salle à sa suite vers des contrées de nuances, et à l’image d’Éther nous emmène respirer à des hauteurs où l’air est plus pur. A cette altitude, le travail vocal est assez remarquable comme le prouvera un rappel a cappella vibrant. A coup d’harmonies raffinées et puissantes, de structures complexes mais fluides, de mots justes et d’élans sculptés, les titres bousculent nos âmes éreintées et nos cœurs jamais vraiment rassasiés par les luttes incessantes de nos émois chavirés, le va et vient des sentiments contraires, les doutes qui hantent nos petites vies et les lueurs qui allument nos grandes espérances. À la fin du concert, elle nous laisse un peu ébranlés, secoués par ces émotions façon montagnes russes. Comme ailleurs, incertains, mais réconfortés à la fois. La vie quoi.


Matthieu Dufour

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