Chronique – Katel – Élégie.
Aurore.
À l’heure où l’aube rallume ses premiers feux effervescents, chassant d’un geste leste et d’une élégance folle les scories anthracites d’une nuit agitée et les effluves salées d’affolantes visions éclectiques.
Aurore.
A l’heure où le temps redevenu lui-même se cale sur le tic-tac de nos horloges à la raison revenues. Les cœurs inanimés sur le champ de bataille, les corps perdus battant la chamade, se noyant dans ces litres de peines éperdues.
Aurore.
A l’heure où la vie, celle que l’on prétend vraie, reprend sa place. Quelques secondes encore profiter de ce doute entre rien et tout. De cette beauté troublée.
Aurore.
Ce sentiment élégiaque, habituel et pourtant chaque fois bouleversant, cet entre-deux déroutant, ce choc violent, cette souffrance de la perte, toutes ces images floues qui s’enfuient, tous ces bruits sourds qui s’éloignent. Se pincer. Tenter de garder les yeux ouverts. Séparer le lyrique et l’ivresse de l’unique. L’espace d’un instant, d’une fraction se demander si tout cela était vrai. L’impression d’une odyssée fantasmagorique où se sont croisés nos doubles, nos amants, nos vies, nos émois. La vie au dehors.
Aurore.
Sous la voûte céleste, les yeux figés sur le plafond terne de cette chambre où tu ne dors plus, les muscles encore endoloris de ces épopées nocturnes, de ces ébats, cette nuit étrange, cette nuit de fête, ces grands amours, ces départs. Cette nuit où j’ai perdu des êtres chair, des âmes cœurs, cette nuit où j’ai croisé mes peines, mes joies, ta peau, cette nuit où j’ai affronté des cyclones aux tropiques, mon ombre s’est encrée sur des décors somptueux, du rouge, de l’or, mon ombre a mué, en blanc, en gris. Elle a dansé, valsé, tangué avec la tienne. Mon âme animale a voyagé, de cryptes secrètes en grottes désertes, de sommets de beauté en pic de bonté, mon âme a vogué sur les océans de notes douces et chaudes, en mer mon corps a oublié la terre, à terre il a pleuré mon père. Puis s’est enfoncé dans les sables émouvants de cette musique à fleur de peau. Accompagnés par les mélopées du chœur antique mon corps, mon cœur et mon âme se sont rejoints. Là, à l’aphélie. Unis vers celle qui brille là-haut. Un regard brouillé plein d’espoir. Larmes fœtales. Vivre sans ailes.
Aurore.
Il est temps de ranger tout cela dans le coffre-faible de mon cœur qui bat encore. Malgré les entailles, malgré les coups, malgré lui. Malgré moi. Malgré toi. Malgré elle. Grâce à toi. Il est l’heure de repartir au combat. En mon for intérieur, un kaléidoscope multicolore et imprécis, succession de vignettes jaunies.
Élégie.
Cette nuit, enfin je crois, ma peine a fait le tour du monde avec celle de Katel. Au ralenti. Mais je réalise que ce n’était pas un rêve. Pas même l’écho de la nuit. Juste le temps suspendu. L’espace d’une parenthèse si bien chantée. Le temps arrêté. Peu importe. C’est la magie de la musique quand elle touche. L’évidence. La peau nue. L’âme à terre. La vérité pudique et simple.
Élégie.
Disque tout en nuance. La beauté de la maitrise quand elle ne se voit pas. Disque en harmonie. La beauté de voix qui s’aiment et se le disent. Disque en équilibre. La beauté du geste précis, du tremblement juste, du silence qui prend son temps. Disque libre. La beauté de l’œuvre de l’artiste qui apprend à réapprendre, à reconstruire, à oublier pour mieux voir. Disque d’espoir. La force de la douceur quand elle est sûre d’elle. Disque d’amour. Le trouble de la chair, froissée, brûlée, délaissée mais jamais oubliée.Disque de lumière. La beauté des âmes éclairées, diamants aux multiples facettes. Disque de la vie. L’ivresse des sentiments. Laisser venir ces sensations que l’on a tendance à refouler. Les accueillir en pleine conscience. Disque essentiel.
Élégie.
Clin deuil.
Élégie.
Album de chœurs.
Élégie.
Disque de cœur.
Enivrons-nous.
Essentiel.
Matthieu Dufour
« C’est le repos éclairé, ni fièvre ni langueur, sur le lit ou sur le pré.
C’est l’ami ni ardent ni faible. L’ami.
C’est l’aimée ni tourmentante ni tourmentée. L’aimée.
L’air et le monde point cherchés. La vie.
– Etait-ce donc ceci ?
– Et le rêve fraîchit. »
Rimbaud
« Je suis dur
Je suis tendre
Et j’ai perdu mon temps
A rêver sans dormir
A dormir en marchant
Partout où j’ai passé
J’ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place ou la foudre a frappé trop souvent
Un coeur ou chaque mot a laissé son entaille
Et d’où ma vie s’égoutte au moindre mouvement »
Reverdy
Live report Katel aux Trois Baudets.
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