Chronique – A Movement Of Return – Completion/Inward.

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On ne va pas se mentir, c’est de pire en pire. Heureusement, le formidable Jean Thooris m’envoie régulièrement des papiers ‘’cinéma’’, alimentant ainsi ce blog qui vit au ralenti depuis de nombreux mois, car pour ce qui est de la musique c’est famélique… La faute à un manque d’envie, de motivation. Je radote je sais, mais trop de disques, trop de trucs sans âme et sans talent, trop de copycats, trop de morceaux qui sentent la sueur ou le plan marketing, trop de morceaux bien foutus mais qui restent à la porte de mes envies.

Les sorties simultanées de Completion, le nouvel album de A Movement Of Return, et de l’EP Inward, chez les toujours inspirés Monopsone viennent fort opportunément me rappeler pourquoi j’ai un jour démarré Pop, Cultures & Cie. Quelque chose comme me sentir vivant.

Car ce que j’aime par-dessus tout chez A Movement Of Return, c’est cette capacité fascinante à épouser la courbe de mes émotions, à accompagner mon irréductible mélancolie dans ses moments les plus sombres, les plus glauques, comme dans ces instants d’apaisement inespérés, ces pauses réparatrices à l’abri du monde hostile, ces bouffées de bonheur inattendues. Il y a quelque chose de l’adolescence retrouvée dans cette musique à la maturité pourtant évidente, quelque chose d’intense, bribes lointaines et volutes éparpillées de cette période où chaque sensation semble plus forte, chaque pensée plus évidente, chaque rencontre plus cruciale, chaque déchirure plus cruelle.


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Rouler seul et sans but, la nuit, plisser des yeux lorsque qu’un soleil conquérant troue enfin la brume matinale des bords de Loire, serrer fort contre moi cet ami que je ne vois pas assez souvent, me laisser aller à la terrifiante ivresse de confidences alcoolisées, fermer les yeux et me sentir couler sans peur dans cette eau froide et salée, marcher au bord d’un précipice imaginaire en te donnant la main, refaire le monde sans me bercer d’illusions, regarder le plafond agité alors que le jour n’est toujours pas levé, allumer cette cigarette dont j’ai envie depuis trop longtemps, reprendre un énième dernier verre. Chacune de ces chansons semble avoir été écrite pour moi, chaque morceau résonne d’un écho singulier, chaque titre est familier.

Après un premier album déjà brillant (Chronique : half life half sin), A Movement Of Return enfonce le clou d’une musique qui refuse obstinément de choisir son camp. Pas par lâcheté, bien au contraire. Il faut aujourd’hui plutôt du courage pour assumer ses propres contradictions, ses paradoxes intimes, sans poser, sans en faire une posture étudiée. Non, si A Movement Of Return fusionne avec goût et talent des guitares irrésistibles qui vous chopent aux tripes et des machines qui semblent terriblement humaines, c’est tout simplement parce la vie qui est ainsi faite. Mélange de mécaniques brûlantes et de chairs glacées, de corps tordus et de symétries implacables, d’espoirs resurgis du fond des mers et de vieilles peurs enterrées, de routes analogiques et de labyrinthes numériques, d’aubes aveuglantes et de soirs intransigeants.

Loin des tentatives maladroites voire putassières de revival shoegaze ou cold wave, la formation de Fred Parquet se tient largement au-dessus de la mêlée. Cela tient à la fois à la qualité des compositions, des morceaux savamment construits, élégants jusque dans le moindre détail mais également à une évidente sincérité. Un mélange de détachement, comme la tranquillité de ceux qui ne cherchent plus à prouver, et d’idéalisme, celui qui permet de tenir debout malgré tout. Ce qui rend ses morceaux non seulement efficaces (parfois presque pop dans l’immédiateté, la complicité qu’ils nous inspirent), mais surtout bouleversants pour la plupart.

En plus de produire une musique profondément émouvante et addictive, A Movement Of Return arrive à me faire croire que cela vaut le coup de continuer. Ce n’est pas la moindre de ses prouesses…

A écouter fort, au casque et sans aucune sorte de modération.


© Matthieu Dufour



© Artworks : Stéphane Merveille


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