Chronique – A Movement Of Return – half sin half life.

AMOR-half-sin-half-life


On se penchera un jour sur la formidable créativité musicale nationale qui atteint peut-être ces derniers mois une forme d’apogée. Ça défouraille dans tous les coins, dans tous les genres. De partout des balles traçantes à la trajectoire aléatoire éclairent ce triste et sombre début de millénaire. Ici et là, des femmes et des hommes, des gamins insolents et des vieux beaux flegmatiques, expérimentent, désossent sans la moindre hésitation les carcasses des antiques modèles, fondent les matières, fusionnent leurs envies et nos vies. Des alchimistes modernes, anonymes ou déjà reconnus, allument des brasiers qui alimentent l’autodafé d’une industrie en phase terminée. Supercilious, VKNG, ichliebelove, A Movement Of Return, … pour ne citer que les dernières têtes chercheuses d’une french touch autrement plus savante, variée et sophistiquée que l’officielle, tous aventuriers enchainent les morceaux de bravoure et des albums tous plus réussis les uns que les autres sans se soucier des étiquettes ou des bonnes manières. Dernier exemple en date, AMOR et son sublime Half Sin Half Life. Disque qui inaugure la collection Microcircuit des excellents Monopsone (vous achetez un exemplaire, vous en recevez deux pour faire découvrir vos coups de cœurs à vos proches).

Pas de temps mort, d’entrée en matière ou de round d’observation chez Frédéric Parquet qui attaque sa chevauchée épique pied au plancher avec un Everlasting incandescent. Là où d’autres tournent autour du pot avant d’en venir au but, lui allume une mèche courte et fait tout exploser sans attendre pour notre plus grand plaisir (jouissance serait peut-être plus exact tant cet introductif instrumental place la barre haut en matière d’intensité). La suite n’est pas en reste (heaven=8, freaky boy ou blue areas, avec leurs riffs et leurs mélodies addictifs, s’installent dans notre système nerveux avec une habileté diabolique) même si AMOR laisse peu à peu une mélancolie abrasive pénétrer nos pores comme une matière poisseuse et irritante à la fois. Lyrisme dégraissé, à l’os, épique mais contenu. Formidable disque de tension nocturne, voyage intime en compagnie de guitares rougeoyantes et de machines aux accents glacés, l’album alterne fulgurances surexposées qui nous pètent à la tronche comme une évidence et confidences fraternelles sur fond de brouillard hivernal. Mais, même dans les courts moments de répit, la force des sentiments à vif, des interrogations paradoxales, le bouillonnement de nos contradictions ainsi exposées, cette matière vivante et inflammable qui irrigue nos veines est portée sans relâche par une ambition et une exigence intenses, par une sensibilité qui rend l’ensemble infiniment respirable et accueillant. Et surtout incontournable.

En à peine plus d’une demi-heure AMOR nous laisse sonnés dans un paysage dévasté où seules les ombres de nos souvenirs grisés et les lueurs de quelques promesses non tenues, mais encore en sursis, nous ramènent à la vie. Brillant.


Matthieu Dufour


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