Chronique – Sheraf – The third coming.

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On se penchera un jour sur la formidable créativité musicale nationale qui atteint peut-être ces derniers mois une forme d’apogée. Ça défouraille dans tous les coins, dans tous les genres. De partout des balles traçantes à la trajectoire aléatoire éclairent ce triste et sombre début de millénaire. Ici et là, des femmes et des hommes, des gamins insolents et des vieux beaux flegmatiques, expérimentent, désossent sans la moindre hésitation les carcasses des antiques modèles, fondent les matières, fusionnent leurs envies et nos vies. Des alchimistes modernes, anonymes ou déjà reconnus, allument des brasiers qui alimentent l’autodafé d’une industrie en phase terminée. Supercilious, VKNGichliebelove, A Movement Of Return, … pour ne citer que les dernières têtes chercheuses d’une french touch autrement plus savante, variée et sophistiquée que l’officielle, tous aventuriers enchainent les morceaux de bravoure et des albums tous plus réussis les uns que les autres sans se soucier des étiquettes ou des bonnes manières. Dernier exemple en date, Shéraff et son splendide album The third coming.

Si vous êtes un lecteur régulier du blog vous avez la curieuse sensation d’un déjà lu. Et c’est bien normal puisque le paragraphe précédent est mot pour mot celui qui inaugurait ma chronique de l’album de AMOR, half sin half life. Ici, c’est Rapahël Camapana aka Sheraf qui s’illustre avec brio dans l’exercice du moment : tordre les genres et n’en faire qu’à sa tête. Réussir à émouvoir avec des compositions savantes et précises. Mais là où AMOR fait dans l’incandescence tellurique, Sheraf serait plutôt dans la douceur aérienne. Et si l’envie nous prend parfois de danser, c’est avec des ailes aux pieds et la tête dans la boule à étoiles. On retrouve d’ailleurs au début de l’album une forme de délicatesse caractéristique à d’autres projets passés par Microcultures. Une voix singulière notamment, qui possède cette faculté de vous choper, de vous agripper immédiatement par sa sincérité. Sur une large palette qui va d’un rock anglais version dandy, à une électro-pop planante en passant par un folk US solitaire et voyageur, Sheraf, à la manière d’un peintre, dessine devant nous une fresque pleine de nuances et de lumières, de couleurs affirmées et de sons raffinés, il trace avec classe les contours d’une nouvelle carte du tendre et des sentiments. N’hésitant jamais à sortir des sentiers qu’il a lui-même tracés pour nous proposer des échappées belles, il tient son album sur la durée sans donner l’impression de forcer, glissant ça et là quelques tubes potentiels (oui oui vraiment…).

Ce qui caractérise cette brillante nouvelle génération d’auteur compositeurs, outre leur talent indéniable d’écriture et d’arrangements, c’est cette évidence avec laquelle ils ne s’interdisent rien. Surtout pas de sortir des carcans. Partant sur des bases tranquilles et délicates, Sheraf sait changer de braquet et accélérer la cadence pour nous transporter vers la cave d’un club londonien où la danse ne serait pas un gros mot synonyme de vulgarité, mais plutôt une invitation au partage et au plaisir. Sheraf maitrise à l’évidence son sujet et s’affirme clairement comme un sérieux concurrent avec un album dont le plaisir augmente à chaque écoute.

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