Florine Delcourt – Tricky, antistar superstar – Playlist Society.


À l’heure où tout le monde (ou presque) écrit, compose, photographie, dans un monde où il y aura bientôt plus d’écrivains que de lecteurs, plus de musiciens que d’auditeurs, le livre de Florine Delcourt tombe à point nommé pour nous rappeler qu’être un artiste n’est pas quelque chose qui se proclame ou une pose, mais quelque chose qui se vit. Alors que chaque jour des nuées d’enfants des générations X, Y, Z ou Q, se découvrent un matin vidéastes ou musiciens, et inondent leurs (nos) murs et autres flux sociaux de leurs créations molles et vides de sens, la carrière exemplaire de Tricky apparait comme une mise au point salutaire.

« Je ne fais pas de la musique pour être célèbre, j’en fais pour m’exprimer. Je suis comme un scientifique qui cherche le remède à son propre mal en espérant que ses travaux seront valables pour d’autres. C’est ce qui me motive. »

Sous la plume fluide et précise de Florine Delcourt, le parcours de Tricky se dessine depuis son enfance dans le quartier de Knowle West à Bristol (ville marquée au fer rouge par l’esclavage et ville rebelle), jusqu’à la reconnaissance et à la célébrité (déclaration d’amour artistique de Bowie auquel il ne répondra pas, rendez-vous raté avec Madonna, refus des avances de U2, etc.). De Massive Attack à Neneh Cherry, en passant par les Red Hot et les Specials. Des premiers pas et du collectif Wild Bunch à Los Angeles, des sound systems (héritage familial) à Paris, de Londres à la Jamaïque, les trips de Tricky sont remplis de changements de direction, de demi-tours, de chemins de traverse, d’échappées plus ou moins belles. Derrière ce chaos apparent, des constantes : la recherche, l’expérimentation, la volonté profonde de mettre ses maux et ses doutes en musique, la nécessité vitale de trouver une façon de dire la mort de ses proches (le titre de son premier album comme le nom e sa mère, le suicide de sa fille), ses peurs, les injustices, Bristol, et une intransigeance, une exigence de chaque instant qui lui donne la force de dire non. « Antistar superstar », refusant les étiquettes (et notamment celle du trip hop), Tricky incarne l’intégrité artistique dans un milieu où les compromissions, l’hypocrisie, la trahison, la flatterie et l’appât du gain guident nombre de ses pairs.

Résultat d’une véritable quête qui a mené Florine Delcourt jusqu’à l’artiste et ses proches, ce livre appelle irrésistiblement à se replonger dans l’oeuvre singulière et dense d’un artiste précieux.


© Matthieu Dufour


Présentation de l’éditeur

« Depuis les années 1990, Tricky compte parmi les créateurs majeurs de la musique contemporaine. De ses premiers pas aux côtés du collectif Wild Bunch, puis de Massive Attack à sa carrière en solo, le musicien a traversé les décennies en s’appliquant à casser les barrières entre les genres. Pierre angulaire du mouvement trip-hop, il refuse d’être réduit à une étiquette.

Né dans le quartier de Knowle West, à Bristol, ville d’Angleterre au passé marqué par l’esclavage, Tricky défie les modes sans jamais revoir ses prétentions à la baisse, ou s’accommoder de rôles à contre-emploi. En constante mutation, sa créativité réside dans l’audace et la prise de risque. Nourri d’entretiens avec le musicien, Tricky, antistar superstar revient sur l’œuvre de cet antihéros imprévisible, dont les albums sont des havres de résistance, et les chansons, des appels à la liberté. »

Florine Delcourt est journaliste. Rédactrice en chef de « Ground Control », l’émission musicale d’Arte, elle dirige également les pages culturelles de Harper’s Bazaar France.