Live report – La Féline – Nouveau Casino (27 novembre 2014).

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Alors que depuis septembre les release parties se succèdent de façon exponentielle (à la fois signe d’une rentrée musicale riche et remplie de bons disques mais aussi d’une frénésie d’exister : faut-il vraiment célébrer la sortie d’un EP 2 titres ? Bref…), celle de jeudi dernier au Nouveau Casino était probablement l’une des plus attendues de cette fin d’année.

La Féline célébrait en effet la sortie de son superbe album Adieu L’Enfance, salué par une unanimité pour une fois pas vraiment suspecte tant le parcours d’Agnès Gayraud est empreint d’indépendance et d’intégrité. Un parcours volontaire et résistant, celui d’une artiste qui refuse de renoncer à une exigence esthétique, de diluer son talent et ses idées dans une soupe sans saveur. Portée par une poignée de fidèles depuis ses débuts sur la scène underground, La Féline en a probablement bavé un peu avant de pouvoir savourer ce beau moment de reconnaissance. Release, libération.

J’ai déjà largement écrit tout le bien que je pensais de ce disque singulier et rare (lire ici : Chronique – La Féline – Adieu L’Enfance) et j’attendais avec une certaine impatience cette soirée. Excitation mais aussi comme une forme de sérénité, persuadé que l’émotion serait au rendez-vous.

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Il y a des artistes qui sont d’une cohérence totale et naturelle, à mille lieues des personnages fabriqués par les gourous du marketing culturel. Que vous écoutiez son disque, que vous l’interviewez ou que la voyiez sur scène, Agnès Gayraud est la même, elle ne triche pas. C’est précieux. C’est ainsi qu’elle peut sans braquer un public conquis d’avance commencer la fête par un ‘’vieux’’ titre (Cent Mètres De Haut) : un symbole, une affirmation, rien de tel pour embarquer une salle complice dans son univers.

Cette soirée a été à la hauteur des espérances de chacun, une espèce de folie douce, de joie sereine, réelle et sincère, la joie d’être là, d’avoir franchi une ligne d’arrivée imaginaire mais certainement pas pour s’arrêter là.

Les titres de l’album s’enchainent, La Fumée Dans Le Ciel, Les fashionistes (Au loin) qui fait monter la tension d’un cran, un sublime Moderne qui démarre dans un silence de cathédrale, seule à la guitare, tout est là, la beauté et l’émotion, la finesse et la musique. Sébastien Grandgambe rejoint le groupe avec son violoncelle et apporte une touche de frisson supplémentaire à La Ligne D’Horizon. La Nuit Du Rat vient rappeler à ceux qui l’ignoraient que La Féline ne s’est pas faite en un jour et qu’il y a un avant Adieu L’Enfance. Et non des moindres. Les sons des machines, les effets prennent tour à tour un relief plus marqué ou une profondeur plus importante, et parfaitement encadrée par Sébastien Dousson et Bertrand Flamain, Agnès Gayraud vibre en liberté au son de cette pop synthétique épurée et ambivalente. Sa voix fait mouche à chaque instant, dans la douceur, dans la hauteur, dans le silence.

La soirée passe vite, trop, ponctuée comme le disque de vrais moments de grâce suspendue (Dans Le Doute), une foule compacte, amoureuse, bienveillante, s’agite peu à peu animée d’une énergie positive mais pas excessive (Zone). À l’image du disque, le spectacle est tout en subtilité, en épure et en poésie cold-wave. Pas de gras, pas d’effets inutiles, pas besoin de montrer les muscles. La simplicité et la force de l’évidence, d’une musique qui parle d’elle même, d’une personnalité singulière. Le charme opère. Quand Marie Eskimo vient rejoindre La Féline sur la scène pour un Rêve De Verre a capella, la salle retient son souffle de peur de briser cette magie du moment. Puis s’enflamme sur un Midnight rock et électrique.

Arrive celle qui est pour moi la plus belle chanson du disque, T’Emporter, dans une version habitée qui me colle la chair de poule. Il y a chez Agnès Gayraud ce truc qu’on appelle l’aura ou le charisme et qui rend toute résistance impossible. Un mélange de force et de douceur, d’hyper féminité et d’autorité sereine.

IMG_5884Puis vient forcément le moment de dire Adieu L’Enfance : face aux images projetées de cette  »gamine aux abois », comme des transmissions inconscientes en provenance directe d’un cerveau en train de rêver ou de se souvenir, La Féline part dans une douce transe, hypnotique, à la fois intime et partagée.

Tout cela ne pouvait que se terminer sur Le Parfait État. Jamais chanson n’a aussi bien porté son nom.

Ovation.

Sourires. Émotion.

C’était beau. Fou et doux.

Merci Agnès.

Nous aussi, c’est la nuit qu’on préfère.


© Matthieu Dufour


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