RÉMI PARSON – NOUVEL ALBUM – JOURNAL DE BORD – 5.

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22.05.17

Hier, c’était un beau dimanche. Ciel assez bas, lumière douce typiquement londonienne. Des circonstances quasi miraculeuses qui ne manquent jamais de me faire retomber amoureux de The Big Smoke. Le groupe dans lequel joue mon ami Ian, The Understudies, m’avait invité à jouer dans un petit pub, situé à quelques encablures de la gare de King’s Cross, au cœur d’un quartier ancien en cours de rénovation express. Gentrification galopante certes, mais foutraque, oublieuse de certaines petites rues parfaitement dans leur jus, de gargotes poisseuses. Ce qui fait le charme inimitable et très peu descriptible de la ville. J’avais oublié une partie de mon matériel, l’adaptateur de mon clavier ce coup-ci, et voilà que je dois demander aux autres de me prêter leur petit synthétiseur, que je ne connais guère. Mais ça ira, j’ai connu tellement pire, si vous saviez. Et puis je crois que j’ai fini par les aimer, les provoquer inconsciemment, ces mini-catastrophes. Assis derrière une petite table en bois, la mèche folle, je m’y attelle. Les versions sont frêles, louvoient, le micro fait des siennes, m’accompagne de ses larsens stridents ou s’arrête tout net, mais je suis ravi. Une demi-heure durant, sous l’œil d’une tête de bélier coiffée d’un fez, tout fait sens. Comme souvent lorsque je joue en Angleterre, je me sens autorisé à blablater, forçant mon accent de boulanger toulousain jusqu’à l’absurde, recyclant la même blague « I am from Coventry » pour la centième fois et tant d’autres choses, telles qu’elles me passent par la tête. Affublé de moustaches en mousse de pale ale, on me sourit, on m’encourage d’un balancement de sa pinte. Sans doute pas la plus belle performance, mais une sensation de paix, comme un soulagement. Qui vaut de l’or. Je voulais juste le noter, pense-bête pour plus tard. C’est un bout de qui je suis.

Je crois que parmi tous les fragments et les bribes sans issues, se dressent peu à peu 8 chansons pour l’album. Cela se confirme, la guitare règne, quelque peu austère, psychorigide, et les mots raclent. La sève du truc, c’est l’inverse de ce que je viens de raconter : ce sont les jours tronqués et que pourtant on ne s’empresse pas de vivre, qu’on ne regrette jamais de ne pas voir durer davantage, au suivant, vite, au suivant ; ce sont les nuées infusées de pot d’échappement, les humeurs grêlées et les élans résolument en berne. Parce que à quoi bon ? et tant d’autres petites formules préparées, Findus mentaux à réchauffer, faute de mieux, de transcendance. Carburant étrange donc, mais puisque ça fonctionne, je déroule volontiers cette bobine paradoxale. Ce qui me plaît, c’est le côté un tantinet répétitif des atmosphères, l’impression de bloc qui se dégage de l’ensemble. Formellement ça correspond bien à l’état d’esprit qui est le mien ces temps derniers. Désincarné mais archi volontaire dans la désincarnation. Pour que ça devienne quelque chose de significatif, un gros papillon cendreux à punaiser sur mon liège. Enfin hors d’état de nuire.


Rémi Parson – Londres – Mai 2017


 

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