Centredumonde – Tigre, avec états d’âme.

Artwork by Gildas Secretin – Photo © Matthieu Dufour
Alors comme ça, je n’aurais pas le droit de chroniquer ce disque sous prétexte que j’ai pris la photo qui en orne la pochette ? Conflit d’intérêt ? Tout simplement parce que Joseph Bertrand est un pote ? Qu’il nous arrive de parler de Fitzgerald et de Char en buvant des bières (tièdes) et en mangeant des pizzas (tièdes aussi) ? J’assume et revendique même ce copinage, cette collusion, ce favoritisme quand il est question d’art. Pas question de passer sous silence le talent évident de ce type.
Titre le plus WTF? de l’année, Tigre, avec états d’âme est un grand disque d’amour. Si, si je vous l’assure. Car s’il est souvent question de mort (cercueils, corps, cadavres et autres trucs dans le genre) dans cet album, la vie y est paradoxalement omniprésente. Mais pas la vie rêvée des lâches. Pas la vie fantasmée des esprits étriqués. Non, Joseph Bertrand chante à l’insu de son plein gré l’amour de la vie telle qu’elle est. Un immense défi, bien trop grand pour nous. Centredumonde c’est « Plus réelle la vie », une série qui dure et ne nous épargne rien : les chagrins de nos réveils vaseux, la déception de nos fuites courageuses, le poids de nos erreurs répétées, celui de nos hésitations craintives, nos maladresses tendres, nos amours raccourcies. Et l’espoir, parce que de toute façon il n’y a que ça pour tenir. Ça, l’ivresse, le sexe et l’art.
Croyez moi je suis certain qu’il préfèrerait chanter l’amour éternel et la beauté de la nature humaine. Si tout cela existait. Mais on ne va pas se mentir, même vous n’y croyez plus. Observateur hors pair de ses contemporains et de nos failles, Jospeh Bertrand possède l’humour ravageur (et salvateur) des grands lucides, des grands brûlés de l’âme. Et surtout une finesse qui lui permet de ne pas sombrer dans l’aigreur et le misérabilisme. Chez Centredumonde, on est à mille lieues d’une tendance désespérément contemporaine : la victimisation. Chez Centredumonde on assume et on en fait des (très belles) chansons.
Alors disque après disque, Centredumonde enfonce le clou mais laisse passer un filet de lumière dans nos « cercueils climatisés », parce qu’il ne peut pas faire autrement. Et nous continuerons à avancer et à l’écouter pour la même raison.
Musicalement, à la façon d’un Biolay (pas certain qu’il me pardonne la référence) il a décidé de ne pas choisir un style mais de créer le sien. Sa dark-pop comme il l’appelle, navigue sans complexes entre fulgurances néo-new-synth-wave, folk sombre, chanson punk. Pourquoi choisir ? Comme si la vie était linéaire et d’un bloc.
Alors oui j’ai fait cette photo de Joseph, oui c’est mon pote, oui je suis fier d’être associé à ce superbe disque. Et tant qu’il continuera à écrire et chanter des morceaux aussi douloureusement sublimes que Perdita ou À tes yeux endormis, je continuerai de mon côté à écrire et chanter ses louanges.
Combattre le mal par le mal : Centredumonde est mon vaccin. En mettant mon âme et mon coeur en contact avec de faibles doses du virus de la bêtise et de la suffisance qu’il pourfend ou de bactéries du chagrin qu’il nous conte, je tente de les protéger contre toute attaque future de ces agents pathogènes. Alors que les anti-vaccins aillent se faire foutre. Moi j’ai choisi mon camp et je n’en changerai pas.
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » – René Char.
© Matthieu Dufour
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