La mélodie des chimères – Chapitre 4 (Louise Deglas).

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Elle dit qu’il n’a rien compris. Ni à L, ni à lui. Elle aurait voulu être un peintre, et un homme, pas une. La chanson elle a fait ça par défaut. Par des taux qui penchaient plus par ici que par là, sur l’étrange balance des dons et des talents. Il paraît que les femmes en ont aussi, mais chez elle c’était l’homme qui fabriquait. La femme pour parler, ça oui. Quand les hommes s’y mettent, à parler par l’écrit, on arrive vite au pompeux, à l’ampoule qui n’allume que leurs yeux, avait dit un jour une femme écrivain.

Un peintre, oui. Remplacer le vide par la toile blanche, la matière qui comblerait – enfin ! – le creux du dimanche, le creux des absences, le creux des après-concerts où la solitude sait se rendre plus cruelle. Elle pense que le peintre a quelque chose, il a son atelier, il y a sa matière, il a son désir de femme. Et puis la profusion d’oeuvres, la joie enfantine de pouvoir créer et recréer à l’infini. Mais à L il ne reste que le mineur, la valse des tambours, des temps lourds entre les chansons qui ne doivent excéder douze sur la jaquette bisannuelle. De douze à 120 000 pour le grand P., que voulez-vous comparer… Elle rêve d’archipels, d’architectes et de pelles, enfin la matière, enfin le visible. Il avait raison, une carrière ça se construit comme ça se vide, par l’extraction des pierres. De pierre, il lui en reste un rêve. Elle leur laisse le tambour.


© Louise Deglas


Épisodes précédents

Chapitre 3 : Folo

Chapitre 2 : Liva

Chapitre 1 : Mikaël Charlot

Prologue : Matthieu Dufour


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