LOU – ça revient.


 

« l’été touche à sa fin…et ce chagrin…toujours ça revient…ça revient »

C’est l’histoire d’un refrain qui hante mes jours et mes nuits, depuis quelques mois, pas grand chose au départ, une ritournelle et puis tellement, si vite, rien que quelques mots sculptés avec finesse et précision, quelques mots qui vont et viennent en moi, quelques boucles qui reviennent sans arrêt, s’enroulent autour de mes souvenirs de prières et d’adieux, mes mémoires de pierres tombales, ce refrain qui ne me quitte plus, ces quelques vers qui accompagnent mes errances mentales, flux et reflux, une mer de fin de saison qui s’étire, se recroqueville, se retire et revient, sans arrêt, toujours, un peu plus agitée parfois, puis apaisée quand gonflée et salée de mes larmes perdues elle vient s’échouer aux pieds de la nageuse infatigable ramenant avec elle corps morts embaumés et liens défaits. Le sable est devenu cendres.

« l’été touche à sa fin…et ce chagrin…toujours ça revient…ça revient »

C’est l’histoire d’une chanson qui m’obsède et qui jusqu’à hier n’existait pas vraiment. Au point que je pensais parfois l’avoir rêvée. L’été touchant une fois encore à sa fin, le chagrin de retour tel la queue d’une comète qui vient saupoudrer une saison désenchantée d’une fine poussière ambrée.  Cette chanson qui semblait n’exister que dans ma tête vivait heureusement ailleurs. Cachée comme un précieux trésor. De ceux que l’on veut partager sans oser les montrer aux autres de peur qu’il ne s’évanouisse dès les premières lueurs. Une chanson terrée dans la chair, le cœur et l’iPad de Lou, elle était là, tapie dans l’ombre de nos souvenirs de famille, guettant son heure pour affronter la lumière d’un contre-jour, attendant que chiens et loups s’entendent enfin pour venir caresser nos âmes en transit. Cette chanson qui nous liait sans qu’elle le sache. Magie noire, miracle et privilège des poètes qui triturant leurs plaies à vif viennent poser des paroles universelles sur nos émotions intimes et personnelles. L’envers des corps.

« l’été touche à sa fin…et ce chagrin…toujours ça revient…ça revient »

C’est l’histoire d’une dizaine de mots naviguant dans mes veines, surfant sur mes peines, des mots doux et cinglants, précis et précieux, des mots gravés presqu’à mon insu sur mon disque dur interne depuis un soir de janvier. À la sortie de ce concert je m’étais noté quelques mots « rouge, un père trépasse, noir, impair et manque » et quelques vers plus ou moins intéressants avaient suivi. Éluard : « Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. »

« l’été touche à sa fin…et ce chagrin…toujours ça revient…ça revient »

Aujourd’hui cette chanson est là, en air et en notes, offerte, écoutez-la, écoutez cette griotte nordique nous dire la douleur et le chagrin d’une vie partie, écoutez bien cette spartiate des mots, économe et pourtant si généreuse raconter l’éternité des sentiments et la rémanence des émotions. Ils sont peu nombreux à pouvoir dire autant avec si peu, à faire jaillir tout ce qui gît au fond de nous comme par enchantement. Ça s’appelle la classe, l’élégance, le talent comme vous voulez. C’est tellement précieux au milieu de cet océan de vacuité, de laideur, de médiocrité qui nous cerne.

« l’été touche à sa fin…et ce chagrin…toujours ça revient…ça revient »

Un chanson passage, une chanson tori-i, qui mène vers ailleurs, une chanson qui en annonce d’autres. L’envie me brûle de vous faire partager une dizaine d’autres mots également ancrés dans ma chair depuis ce concert, mais évidemment je ne peux pas. Attendre patiemment la suite, le bon moment, celui qu’elle aura choisi : ce sera forcément le bon.

L’été a touché à sa fin, une fois encore. Le chagrin d’équinoxe est revenu sur nos cœurs pâles. Mais cette fois il n’est pas nu. Il a revêtu les mots et la musique de Lou. Alors je ne crains plus ce chagrin. Non. Pour quelques jours au moins je ne crains donc plus rien. Pour quelques nuits enfin sereines je ne suis plus seul.

Et après ?

On verra.

On verra.

Merci pour tout Lou.

Du fond du cœur.


© Matthieu Dufour


 

 

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