A suivre – Orchidée Noire – Insomnie faire (EP).

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A l’heure où il est de bon ton de prendre de haut (au mieux) voire de vomir l’ensemble de la production des années 80’ sans prendre de gants ni s’embarrasser de nuances, des kamikazes insouciants s’approprient avec la fraicheur et l’insolence naïve de la jeunesse ce pan particulier du patrimoine musical où l’on a vu le meilleur côtoyer le pire. Sans complexes, avec une ambition réelle, et surtout avec liberté de ceux qui n’y étaient pas, ils produisent une musique totalement contemporaine malgré l’évidente filiation.

En début d’année, en plein hiver, Rémi Parson sortait Précipitations (chez Objet Disque). Avec cet album inusable et déjà classique (chronique ici : Précipitations), il nous invitait à faire descendre notre mélancolie sur le dance floor pour faire comme si on en plaisantait au son de mélodies addictives et lumineuses. Il nous proposait de laisser la joie à ceux à qui elle était destinée conviant dans un même élan franc New Order et Daho, Dominique A et Cure, pour quelques pas de danse.

En ce début de printemps c’est Xavier Soquet aka Orchidée Noire qui réveille avec aplomb les fantômes des artisans méticuleux et rigoureux d’une cold-new wave implacable et crépusculaire avec son impeccable EP Insomnie faire. Assumant le français avec conviction et talent, reprenant l’histoire là où les machines s’étaient mystérieusement arrêtées, il débarque comme le fils improbable et caché de Bashung et d’Anne Clark.

La douceur a beau avoir enfin déployé ses ailes caressantes sur la ville carnivore, les pétales fanés de nos amours erratiques sont toujours figés dans la banquise glacée de mon cœur. Son battement martial guide mes pas, ajuste mes gestes calibrés, donne le tempo à mes déambulations nocturnes et piquantes. Partir pour me fondre avec l’asphalte givré de ces trottoirs évités, te fuir au cœur de cette cité qui telle une mante religieuse a digéré ses nombreux amants laissant sur son parcours les restes pleurés de nos histoires passées. Suivre les rues au hasard d’une effluve, d’une silhouette, m’éloigner de toi, de tes épines, de l’arc polaire de ton âme vagabonde, trainer, suivre tes ombres, en état second prendre plaisir à cette errance en noir et noir, cette promenade monochrome. Cinquante nuances d’aigreur et d’illusions échappées.

Comme chez Rémi Parson dans un autre registre, s’il y a de la nostalgie (ce qui est théoriquement impossible), elle est dans la pureté des lignes, la clarté des arrangements, l’évidence caverneuse des échos des machines. Pas dans l’intention ni dans le propos. Pas de passéisme donc, une modernité de chaque instant, Orchidée Noire nous raconte avec classe la nuit, les villes, les romances bancales, les passions aveugles, les anges gardiens, cet éternel décalage avec la réalité. Un art consommé de la mélodie, des questions sans réponses, des amours sans issue, des poésies urbaines.

Ou comment un type, qui n’était pas né quand je trainais mes guêtres dans des soirées ‘chaud glacé’ sur la frontière belge ou dans des clubs bondés du Nord de la France, arrive à me faire croire que c’est maintenant que cela se passe. Il n’est jamais trop tard…

Avec Insomnie faire, Orchidée Noire signe un EP sans compromis, addictif et vénéneux, jouissif, sensuel et cérébral en même temps. Une balle siffle dans la nuit, trajectoire millimétrée, cible accrochée. Impact imminent.

A suivre.

Matthieu Dufour


Sur bandcamp : Orchidée Noire – Insomnie faire. 

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