Chronique – Requin Chagrin.
Si vous faites partie de la poignée de lecteurs réguliers de ce blog, si vous fréquentez la page Facebook de Pop, Cultures & Cie, vous avez déjà entendu parler de Requin Chagrin, dernier avatar pop d’Objet Disque (qui dans le registre ‘mélodies mélancoliques et difficilement résistibles’ m’avait déjà personnellement gâté dès le 1er janvier avec le Précipitations de Rémi Parson). Sinon, et si malgré votre image et votre statut de fan indé vous n’avez pas peur des tubes, jetez donc une oreille à cet album où le panache fier et distingué du désenchantement fitzgéraldien côtoie l’amère et subtile valse des émotions de la comédie italienne vintage.
Mélange des genres, confusion des sentiments, la musique de Requin Chagrin est à la fois évidente, racée et attachante. Les guitares se promènent avec une grâce déterminée entre surprise-party sixties sous le soleil de la côte et défoulement adolescent dans un garage gris de la dernière partie du XXème siècle. La mélancolie est là sous les claviers euphoriques, la voix lointaine, distante comme l’écho (au sens propre) de nos émois incertains et chancelants. Une musique timide qui cède à la tentation de l’extérieur, de la rencontre, prend son élan avant de monter fièrement au front de nos émotions enfouies. Bien qu’éloigné musicalement, le premier album de Marion Brunetto (aperçue à la batterie des excellents Alphatra ou des Guillotines) et de ses trois compères (Grégoire Cagnat, Romain Mercier-Balaz et Yohann Dedy) me fait penser à La notte, la notte de Daho. Pour cet équilibre adolescent incertain et fragile entre les mélodies dansantes et les ballades mélancoliques, pour cette insouciance amoureuse qui bientôt se fracassera sur les rochers de la réalité quotidienne, pour cette ambiance de fin de saison : quand tout est encore possible, quand rien n’est définitif mais qu’on parle déjà au passé. Entre la nécessité d’avancer et l’irrésistible envie de refaire encore une fois le chemin dans l’autre sens.
Porté par des tubes redoutables (Adélaïde, Le chagrin, …), ce premier album est une réussite indéniable, la bande son idéale d’un été indien sournois, reflet aguicheur de notre spleen ensoleillé, maitre des illusions d’une jeunesse éternelle. Malgré la conscience de l’inévitable descente, malgré l’intuition de la désillusion prochaine, continuer à cueillir des roses pour lui, pour elle. Retourner sur cette plage où subsistent encore les quelques traces de nos amours éphémères. S’enfoncer dans les sables émouvants de leur beauté en regardant le ciel se couvrir.
Matthieu Dufour
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