Interview – Étienne Daho.

© Nicolas Dubosc


Fin de l’EdenDahoTour en janvier, Surf Vol. 1 pour le Disquaire Day dont tu étais l’ambassadeur en juin, Surf Vol.2 et Le Vilain Petit Canard à La Philharmonie en octobre, Surf Deluxe et l’album de Jane Birkin en décembre. Comment as-tu traversé cette année en partie confinée ?

J’ai la chance d’avoir beaucoup de projets depuis de nombreuses années, et ça n’a pas changé en 2020. Le plus compliqué cette année a été de caler les enregistrements et de finaliser les projets. Les dates de sortie ont dû changer plusieurs fois, mais nous y sommes arrivés. Et je suis d’autant plus heureux que Surf a été bien reçu et que l’album de Jane reçoit un accueil formidable.

Oh ! Pardon tu dormais est un projet qui vient de loin, Surf un projet qui revient de très loin, Eden a une histoire mouvementée, qu’est-ce que tu éprouves aujourd’hui ? Un soulagement ? La satisfaction de te dire que tu avais raison d’insister ?

Je n’avais pas vu les choses comme ça, mais effectivement cette année m’a permis d’aller au bout de ces projets. C’est d’abord un soulagement. J’avais l’impression de ne pas avoir terminé mon travail, c’était comme un caillou dans ma chaussure. Et une grande satisfaction effectivement. Je crois que c’est ça (aussi) être artiste : écouter ses intuitions, les suivre en faisant abstraction du reste et des autres, quitte à se prendre un mur. Ce qui n’a heureusement pas été le cas (rires).

Pour Eden, c’est une réparation à bien des égards et c’est vraiment bien. Le Disquaire Day m’a permis de rendre justice à Surf, ce fameux album perdu, qui voit enfin le jour tel qu’il aurait dû sortir à l’époque. Quant à l’album de Jane, ça a été un long cheminement. Je suis revenu plusieurs fois à la charge mais ce n’était pas toujours le bon moment. Et puis nos agendas n’étaient pas toujours compatibles. Aujourd’hui je suis tellement heureux que Jane soit reconnue comme une véritable auteure, aux commandes de son œuvre.

La cover n’est pas un exercice nouveau pour toi, en concert, sur tes disques, lors d’émissions TV, c’est quelque chose que tu pratiques depuis longtemps. Pourquoi ? Le plaisir de chanter des chansons que tu aimes bien ? De livrer des indices sur tes influences ?

Au début de ma carrière je voulais montrer mon monde, dire au public d’où je venais. Partager mes influences. C’était important pour moi, comme une carte de visite. De façon plus générale, c’est tellement agréable de rentrer dans une chanson que l’on aime, de la faire sienne, de la kidnapper, c’est un exercice génial. J’aime vraiment beaucoup l’idée de s’enthousiasmer pour le travail d’un autre.

Sur Surf, il y a des stars (Bowie, Billie Holiday, Elvis, Phoenix, …), des standards (Moon River, un générique de James Bond, …) mais aussi des trésors cachés (Irma Thomas, Margo Guryan) : comment s’est fait le choix ? Il y toujours chez toi ce désir de partager, de faire découvrir, d’utiliser la musique comme une base d’échange, de relation ?

Oui, aujourd’hui encore cela me fait vraiment plaisir de croiser une personne qui a découvert un artiste ou une chanson grâce à moi. Pour le choix, je ne me suis pas posé trop de questions. L’idée était d’abord de reprendre des chansons que j’aimais. Ensuite, nous avons travaillé chez moi avec Ivan (Beck), nous avons entrepris de les déshabiller pour que je puisse trouver un espace dans ces morceaux, que je trouve ma place, la bonne tonalité. Nous avons enregistré en guitare/voix et conservé celles qui m’allaient le mieux, comme un vêtement taillé sur mesure, les plus évidentes.

Est-ce qu’il y en a que tu regrettes de ne pas avoir pu inclure dans Surf ?

Oui beaucoup, comme je te le disais, je n’ai gardé que celles qui me semblaient évidentes. J’aurais bien aimé inclure une chanson des Ronettes, Sweet Song de Blur ou More You Ignore Me, the Closer I Get de Morrissey mais elles fonctionnaient moins bien. Elles existent mais sont vraiment à l’état de maquette.


© Nicolas Dubosc


Et si tu devais faire Surf aujourd’hui, en 2020, quelles chansons aurais-tu envie d’inclure, quels sont les morceaux qui t’ont marqué ces dernières années au point de faire partie de ta playlist potentielle ?

Il y en a tellement… Mais il est probable que je reprendrais des chansons d’Unloved, de Vanessa Daou, de Studio Electrophonique, de Beach House, d’Electric Guest, des Raveonettes, Hand It Over de MGMT qui est une chanson que j’adore. Et plein d’autres !

Que de l’anglais… Qu’est-ce que ça change de chanter en anglais les mots des autres ?

L’anglais est d’abord une langue merveilleuse pour un interprète, il y a des appuis incroyables pour le chant. C’est plus compliqué en français, d’autant plus que les mélodies que j’imagine sont souvent « anglo-saxonnes ». Et puis l’anglais permet d’être plus naïf. On ne pourrait pas chanter ces textes en français sans être taxé de « fleur bleue », voire pire !

Mais est-ce facile pour autant de chanter des chansons qui sont intimement liées à ton passé ?

Toutes ces titres sont liés à des périodes importantes de ma vie, qu’elles soient récentes ou non, donc il y a toujours beaucoup d’émotion à les chanter. Elles ont toutes pour moi un très fort pouvoir évocateur : que ce soient des lieux, des personnes ou des moments particuliers, elles me renvoient toutes à des émotions, des sensations particulières. C’est pour cela aussi qu’il y a des chansons obscures, elles sont liées intimement à ma vie même si elles ne sont pas connues.

Personne ne sera surpris de cette sélection éclectique qui mélange les Pet Shop Boys, Phoenix, Bowie, un beach boy, quelques stars de la soul. Il est peut-être plus étonnant de retrouver des icônes de la country Hank Williams ou Bill Monroe ? De même, tu avais déjà repris Ricky Nelson, mais on retrouve également Elvis : ce sont des artistes importants dans ton parcours musical ?

Ma mère était fan de Presley c’est comme ça que j’ai découvert le Blue Moon of Kentucky de Bill Monroe chantée par Elvis. A la maison il y avait aussi un best of de Hank Williams que j’adorais. Tout petit cette musique me parlait déjà beaucoup. Ce sont mes racines. Ricky Nelson aussi, c’est la même période. Tout ça c’est la même culture un peu larmoyante (rires), les mêmes vibes. Et puis il y a eu la soul, le Velvet et tout le reste. C’est pour cela que j’ai choisi la pop, pour pouvoir explorer et surfer sur tous les courants musicaux.

Surf pourrait-il voir le jour sur scène, un jour ?

Il a été question de faire une émission de TV mais cela n’a pas été possible à cause du contexte. Pour un concert, le temps que ça reprenne il sera probablement trop tard mais il y a des chansons que j’ai envie d’emmener en tournée. A commencer par Son silence en dit long, que j’ai vraiment redécouverte à l’occasion de Surf et que j’adore. J’ai pris beaucoup de plaisir en la réécoutant, je ne pensais pas qu’elle était aussi bien (rire). C’est une chanson qui compte beaucoup pour moi donc j’aimerais la reprendre sur scène.

Surf trouve sa place chronologiquement entre Réévolution et L’Invitation (c’est matérialisé par la reprise des pochettes de tous tes albums sur les différentes éditions du disque) : c’était important de rajouter ce chapitre ?

Oui, une discographie c’est comme un livre et là, j’avais l’impression qu’il y avait un trou, un manque. Surf permet aussi d’expliquer, de rendre cohérent le passage entre ces deux albums. Son silence en dit long, notamment, marque le début de mon travail avec Xavier Géronimi et qui trouvera son prolongement dans L’Invitation.

Pour moi, cela rentre aussi dans le travail démarré il y a bientôt dix ans avec les premières éditions Deluxe : ranger, trier, mettre à disposition des versions alternatives, des live, des maquettes qui permettent de suivre mon cheminement, de mieux comprendre la construction d’une chanson, de mes albums. Je suis passé près de la fin il y a quelques années, et je suis soulagé et vraiment heureux d’avoir pu achever ce travail moi-même. C’était long, parfois compliqué, il y avait des fichiers, des K7 des MiniDisc, des bandes abimées qu’il a fallu restaurer mais ça valait vraiment la peine.

Avec Surf, j’ai l’impression d’avoir comblé un vide. Je peux maintenant poursuivre l’histoire et passer à autre chose avec la satisfaction d’avoir clos ce chapitre entamé il y a plusieurs années.

Merci Étienne.


Matthieu Dufour


Étienne Daho – Surf Deluxe Remastered – Liner notes.

Étienne Daho – Surf (volume 2).

Le vilain petit canard – La Philharmonie.

Étienne Daho – Surf Vol. 2 – Playlist des chansons cover-ED.

Étienne Daho – Surf.

Étienne Daho – Eden Daho Tour – L’Olympia.

Étienne Daho – L’homme qui marche (best of).