2017, 11 albums.
La musique de LOU est chamanique, elle réveille des émotions enfouies, disparues, des mémoires enruinées, elle reconnecte le corps et l’âme, le petit, le quotidien, le familier avec l’inconnu, le possible, les vivants et les évanouis. La musique de LOU défie la gravité, le temps, la mort. Le seul moment est un disque déjà indispensable, rare, précieux, « éthernel ».
Une merveille intemporelle de lyrisme sous-cutané, d’émotion somatisée. Du cousu main sur des mots qui redonnent au français son lustre classique. Les morceaux de La Rive possèdent la grandeur discrète de l’humilité, la puissance de l’évidence, la familiarité des classiques. Sur L’Autre Rive c’est la beauté à portée de main, sans fard, loin de toute posture, de toute prétention. Simple et classe. Alors si vous n’êtes pas ému à l’écoute de ces chansons à la grâce rentrée, si vous ne frissonnez pas à l’écoute d’Adela je peux plus rien pour vos coeurs de pierre et vos cuirs tannés.
Et puis il y a la voix d’Emmanuel Tellier, qui atteint sur ce disque des sommets d’émotion, touchante et vibrante, comme si elle lui échappait un peu elle aussi, partiellement, hantée par celle de ce gamin à la folle audace, cet insoumis précoce bien décidé à emprunter sa propre voie. Car c’est aussi une autre vision de l’Amérique et de la société que proposent les 49 Swimming Pools ici. En talentueux grand reporter qu’il est, Tellier parvient à transformer ce matériau de l’intime, du terroir, en histoire universelle. Il est question en filigrane d’une vie à la marge, de refus de la voie tracée, d’un autre rapport à la nature qui nous entoure. Un disque émouvant et intelligent à la fois en somme. Plutôt précieux non ?
Au coeur de sa brillante, discographie, Fête Foraine est pour nous bien plus qu’un disque. Un doudou, une madeleine proustienne, un totem, un graal, un frisson tatoué sur nos coeurs fébriles, un trésor enfoui dans nos chairs, le plus précieux des souvenirs, caché au fond d’une boite défraîchie mais soigneusement rangée sur l’étagère de nos fantomatiques mélancolies. Fête Foraine est la quintessence de ce que la musique peut offrir de plus beau, un sommet de sincérité généreuse et désarmante, une communion reliant des âmes égarées aux quatre coins du monde.
Cet enfant de Bretagne et de Corse livre ici un disque d’une grande beauté minérale, plein de mélodies alambiquées, de motifs sinueux qui se laissent glisser avec douceur le long d’un lit de roches usées par des siècles d’orages violents, des mots chuchotés dans le creux de nos oreilles attentives, des paroles vénéneuses qui se frottent aux broussailles de ces chemins escarpés et pentus, des collages sonores organiques qui prennent le maquis pour mieux se retrouver. La vie de court développe un monde singulier et des univers intimes aux apparences du réel, de la vie. Des panoramas intérieurs en trompe-l’oeil, des randonnées musicales pleines de chemins de traverse, de fausses pistes, des excursions sonores en trompe-l’oreille.
Mon vote est un véritable vote de conviction, un vote d’adhésion pour un programme qui me semble posséder plusieurs qualités essentielles : la lucidité, la singularité, la nécessité. Entre autres. Et vice versa. La nécessité de dire le monde, la vie, et leur absurdité quand tant d’autres alignent des mots comme on enfile des perles par habitude. La lucidité d’un regard capable d’une autodérision salutaire et d’une sincérité désarmante. La singularité d’une voix neutre et pourtant chantante qui fond ses influences pop, post-punk, rock, dans un genre de dark/folk/pop wave mélodieuse et addictive. Auteur-compositeur compulsif (je vous en ai parlé là : Bang – Une introduction à Centremonde) Joseph Bertrand resserre ici son propos et concentre son talent sur 10 titres imparables. Du riff entêtant de « Rêvons plus sombre » à la mélodie faussement apaisée de « The Chapaquiddick incident », Centredumonde égraine un chapelet de (vraies) chansons souvent grisantes, toujours émouvantes. Embruns alcoolisés, échos de virées balnéaires, rythmes binaires, sons vintages, guitares titubantes, mots justes et terriblement touchants.
Grand disque sans concession, d’une lucidité implacable, loin de l’égocentrisme démesuré de musiciens incapables d’empathie, désamour confirme s’il était besoin le talent singulier d’un auteur qui traque le superflu, d’un musicien en recherche permanente, jamais complètement satisfait. Une musique plus cinglante que jamais, au service d’un message universel et tellement contemporain. Malon réussit l’équilibre improbable entre l’exigence musicale d’un disque pour les oreilles, et la force, la puissance d’un disque qui vrille les tripes.
Pas encore de chronique pour ce superbe disque court, intense, puissant, sans concession, alors je vous mets une vidéo.