Chronique – A Singer Must Die – Venus Parade & More Songs Beyond Love.

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Opening Nights.

Douceur de la soie, torsion d’un cœur dans les cordes, j’attends la voix caverneuse de Stuart Staples, puis celle de Neil Hannon quand résonnent quelques cloches au loin. Mais non, c’est celle d’un inconnu ; elle est remplie de vie, de lumière, de chaleur et de saveurs acidulées. Elle débarque au tournant, pas du tout intimidée par ces luxueux écrins mélodiques, chez elle dans le moelleux de ces costumes sonores sur-mesure qui défilent. J’aurais pourtant parié mon vinyle japonais de Prefab Sprout qu’il s’agissait du nouveau LP de l’un de ces groupes anglo-saxons qui enchainent des albums tous plus précieux les uns que les autres. Remplis de chansons nées dans l’élégante imagination de songwriters ambitieux, de loosers magnifiques, d’artisans minutieux aux destins souvent indignes, de celles capables de vous arracher une larme sans prévenir au détour d’un couplet à coup de cordes assassines et d’une soirée arrosée.

Quand la Black Limo file au loin je suis déjà assis, le sourire aux lèvres, devant des montagnes d’albums subitement ressuscités, speedé comme un DJ sous amphètes dont le cerveau va mille fois plus vite que les mains et l’envie de passer d’une track à l’autre sans prévenir, d’arrêter chaque chanson avant la fin pour passer à la suivante.

Still Worlds.

Alors évidemment de Pulp aux Tindersticks, de Michael Head à Elliot Smith, de Divine Comedy aux Boo Radleys, la course à la meilleure référence est lancée.

Et si on s’en foutait complètement. Et si ce n’était pas une histoire de références mais une histoire de voyage. Le moment du départ. Celui où Vénus Parade vous prend par la main, vous embarque pour ne plus vous lâcher jusqu’à la fin. Repeat all.

Comme un film réussi, des envies de grands espaces, de parades exaltées, de week-end à Londres ou à Rome. Ici chaque chanson est une histoire, lumineuse ou à contre-jour, des mondes à portée de main, un ailleurs tout proche, des scènes de vie instagramées. À vous vous de choisir le filtre pour sublimer les blessures du moment, raviver la flamme ou saturer de soleil les émotions fugaces des joies en transit.

On pourrait disserter des pages durant sur les constructions audacieuses de ces symphonies miniatures, les harmonies brillantes, les voix éclairées, cette apparente simplicité dont on se doute qu’elle demande un travail de précision digne d’un horloger suisse, mais ce serait finalement ramener l’émotion du moment à des considérations techniques. Pas à la hauteur. Ce qui compte dans la vie c’est la première poignée de main, le regard planté dans les yeux de l’autre : la chaleur et la sincérité partagées.

Old School.

Chez ASMD, le respect d’une certaine tradition musicale n’a pas l’odeur de la nostalgie amidonnée, d’un hospice pour songwriters incontinents ou de la poussière entassée dans l’arrière-boutique d’un disquaire oublié, non, il est crânement assumé, assuré. Ici la tradition sent l’herbe fraichement coupée dans un jardin anglais, l’air chaud d’un road-movie, les effluves d’agrumes aspergés aux quatre vents ou la première taffe exhalée à l’aube d’un matin brûlant d’août.

By the dawn of monday.

Je ne veux plus rentrer. Je ne veux pas me coucher. Juste envie que quelqu’un me montre le chemin jusqu’au prochain whisky bar. Toi de préférence. Je ne veux pas dormir. Je veux écouter la musique du chanteur qui doit mourir et te parler toute la nuit des kermesses sans retour.

Kermesses sans retour.

Semons au vent, celui qui rend fou, jetons au ciel, celui qui apaise. En vrac, miettes de chansons d’amour, blessures sans détour et promesses des grands jours. Vénus a paradé : nos chants ne seront plus jamais trop courts. Kermesses sans retour pour les jours fastes, les soirées à l’envie et les nuits sur la route. Vénus a effacé l’ennui. Le chanteur qui devait mourir est passé plein d’allant, je me souviens, c’était hier, je n’ai pas tout compris mais tu as tout saisi, au vol : danses enivrantes, fêtes foraines déposées au creux de nos mains, au détour de nos cœurs chavirés, divinités exaltées, révélant notre insolence drôle et dense, cette joie que l’on ne doit qu’à l’enfance. De cette lumière perdue, émue, qui joue et perdure au fond de nous, de cette lumière élue et chantante, il en avait apporté des tonnes. Symphonies éclectiques et pépites encordées. Je sais maintenant. Que souvent, j’appellerai ses humeurs au chevet de la mienne, de la votre. Alors sans plus attendre récoltons à tue-tête, à tâtons ici-même, sur terre et maintenant dansons : poussières d’herbes folles, de promenades de haut-vol, parcelles de déserts rougis par ta joie et brisures de cirques ébahis par mon audace. Les champs sont enfin à jour, pleins de liesse à leur tour, les chants sont enfin de retour, célébrons l’ivresse des beaux jours venus.

Hang the DJ : A Singer Must Sing.


© Matthieu Dufour


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A Singer Must Die

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